N°10 / À bas les masques !

Deux regards féminins et leur identité hybride à l’écran : Un amour impossible de Catherine Corsini et Yo, imposible de Patricia Ortega

Minerva Sandoval

Résumé

Cet article propose d’interroger les notions de « troisième espace » et de « l’identité hybride », ainsi formulées par Homi Bhabha dans son livre Les Lieux de la culture / The Location of culture, dans deux récits récompensés lors des éditions de 2019 de deux remises de prix dédiés au cinéma fait par des réalisatrices : Un amour impossible de la cinéaste française Catherine Corsini (Prix Alice Guy en France) et le film Yo, imposible (Moi, impossible) de la cinéaste vénézuélienne Patricia Ortega (lauréat du Femme Revolution Film Fest au Mexique). Les récits de ces films démontrent des connexions possibles entre deux regards cinématographiques féminins, certes, éloignés par le territoire, la culture et l’époque, mais en même temps unis à travers l’écran dans des festivals et les récompenses dans des remises de prix. Cet article s’articulera autour des questions suivantes : comment les réalisatrices proposent-elles de nouvelles visions sur des sujets intimes et souvent tabous comme l’inceste et l’intersexuation? Peut-on s’inspirer de théories comme celle de Homi Bhabha sur les « interstices culturels » pour faire dialoguer dans un « troisième espace », deux regards cinématographiques sur les inquiétudes et les expériences des protagonistes femmes ? Est-ce que cette notion de « l’identité hybride » nous permet de démontrer comment le cinéma devient un espace où les expériences des femmes peuvent être partagées ? 

 

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En 2019, Un amour impossible (2018) de Catherine Corsini et Yo, imposible (2018) de Patricia Ortega reçoivent tous deux des récompenses dans des cérémonies consacrées à l’œuvre des cinéastes femmes. Le fait que ces deux films aient été récompensés la même année par des prix assez similaires nous a interpellé et nous a incité à les mettre en lien et à interroger leurs similitudes et leurs différences. Nous proposons dans le cadre de cette étude de les étudier en mobilisant les Film Festivals Studies, ce que nous allons commenter dans la deuxième partie de l’article. Les réalisatrices proposent des récits qui mettent en lumière des expériences féminines que nous allons analyser en nous inspirant des concepts formulés par Homi Bhabha sur « les interstices » et « l’identité hybride » pour faire dialoguer deux regards cinématographiques sur leurs protagonistes féminines.

Commençons par les synopsis des films. Le film de Catherine Corsini est une adaptation littéraire1 qui raconte l’histoire de Rachel (interprétée par l’actrice Virginie Efira), une femme française qui tombe amoureuse d’un homme et élève seule l’enfant qu’ils ont conçu. Le quotidien de cette femme bascule lors qu’elle apprend, des années plus tard, l’inceste que sa fille a subi. Le film montre toutes les étapes de la vie de la protagoniste, de sa jeunesse à partir des années 1950 jusqu’à la période des années 1990, quand elle est dans la soixantaine et que sa fille Chantal (interprétée par les actrices Ambre Hasaj, Estelle Lescure et Jehnny Beth) lui révèle les abus commis par son père (interprété par l’acteur Niels Schneider). 

De son côté, Patricia Ortega installe son récit dans un petit village à la campagne au Venezuela. Le personnage principal s’appelle Ariel (interprétée par l’actrice Lucía Bedoya). Elle est une personne intersexe2 qui habite avec sa mère Dolores (interprétée par l’actrice María Elena Duque). Ariel n’est pas au courant de sa condition et, le jour où elle a son premier rapport sexuel, elle se rend compte de la chirurgie de « normalisation » non consentie qu’on lui a fait subir. Le film raconte comment Ariel fait face à cette nouvelle réalité et comment elle affronte les conséquences de la tromperie de sa mère. 

En plus de leurs récompenses reçues lors des remises de prix sur le cinéma féminin en 2019, les deux films partagent d’autres points communs : on peut noter, par exemple, que leurs protagonistes sont des femmes et qu’ils abordent des sujets tabous liés à la sexualité. Également, les titres des films portant chacun l’adjectif « impossible » se font écho tout en donnant des indices sur les difficultés auxquelles les personnages féminins vont devoir faire face. À la lumière de ces premiers constats, nous nous demanderons dans cet article comment il peut être possible de définir ces imaginaires si éloignés géographiquement, mais parfois aussi si proches sous le regard de la caméra ou sous le regard d’un jury.

 

1. Les protagonistes féminins : raconter des histoires sous le prisme du genre

Cette étude se concentre sur la manière dont deux réalisatrices représentent des sujets tabous liés à la sexualité à travers les expériences des personnages féminins. Parler de l’existence d’un « regard féminin » dans le cinéma réalisé par des femmes, ou d’un « cinéma féminin », a souvent suscité des débats. C’est pour cela qu’avant de commencer notre analyse, il nous semble important de reprendre quelques publications fondatrices sur le regard féminin et sur les débats féministes dans la culture, non sans rappeler la chronologie historique de certains sujets revendiqués au sein de ce mouvement émancipateur. Concernant les grandes lignes de l’histoire des féminismes français et euro-américain, nous pouvons distinguer trois grandes périodes, ainsi découpées :

De la fin du XVIIIe siècle aux années 1860 apparaissent des féminismes majoritairement occidentaux  déjà diversifiés, mais sporadiques et encore peu organisés [...]. Les féminismes construisent la  catégorie politique des « femmes », aspirant à la reconnaissance du principe de droits égaux, notamment dans l’éducation et le mariage, en s’inspirant de la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Puis une période qui, des années 1860 à la Seconde Guerre mondiale, voit s’organiser de larges  mouvements nationaux et internationaux pour les droits civils et politiques des femmes. Dans un troisième moment qui s’étend de 1945 (déclaration de l’ONU) aux années 2000, les féminismes poursuivent leurs combats pour les  droits, souvent en s’institutionnalisant, tandis que des mouvements émergent dans les années  1960  pour réclamer la libération des  femmes, dans le cadre des luttes anticoloniales et des nouvelles gauches. Ces mouvements proposent une politisation sans précédent des sexualités, de l’intime et de la subjectivité qui constitue encore la trame des contestations plus récentes 3.

 

En Amérique Latine, on parle aussi d’une division en trois périodes :

[...] La période d’initiation comprend la première décennie du XXe siècle jusqu’aux années 1940 ; une pause ou une stagnation jusqu’aux années 1970, lorsqu’une nouvelle étape s’amorce et prend de l’ampleur dans les années 1980 et 1990 ; et enfin, une troisième période qui commence à la fin des années 1990 et se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Chacune de ces périodes a été marquée par un programme de défense des droits. La première a été marquée par l’égalité juridique, l’égalité des droits politiques, les bénéfices de l’éducation et la reconnaissance des valeurs de la maternité [...]. La deuxième période a été marquée par la dénonciation de la violence patriarcale – initialement axée sur la violence domestique –, par l’insurrection contre le mandat exclusif de la reproduction, par la reconnaissance de la dissidence sexuelle avec ses propres droits et par l’élargissement de la citoyenneté politique. Le troisième cycle a été caractérisé par l’émergence des revendications des femmes des peuples indigènes, des Afro-descendantes et des jeunes qui, à partir d’approches plus radicales, contribuent à transformer le féminisme en un mouvement de masse4.

Ces deux chronologies, non exhaustives, montrent les tendances propres de chaque zone géographique tout en révélant également le besoin partagé par les féminismes : la revendication des droits des femmes. 

Les mouvements émergents distingués par la tradition euro-américaine ont également eu un impact sur le monde du cinéma au cours des années 1960, avec l’apparition de groupes de cinéastes dans lesquels la présence de réalisatrices était encore très modeste5. À titre d’exemple, nous pouvons citer le mouvement de la Nouvelle Vague du cinéma français6 dans lequel Agnès Varda était la seule réalisatrice7. De même, nous pouvons citer ici le cas de Nancy Cárdenas : elle était la seule femme dans le groupe de cinéastes mexicains qui a proposé le Manifiesto del Grupo Nuevo Cine8 (Manifeste du Groupe du Nouveau Cinéma), une initiative qui cherchait à promouvoir la production, la diffusion et la liberté d’expression dans le cinéma mexicain9

La décennie des années 1970 a été un moment d’éclosion pour la théorie féministe du cinéma dans la zone anglo-américaine. En effet, comme l’explique Francesco Casetti dans son ouvrage Les Théories du cinéma depuis 1945, il y a eu trois facteurs10 importants pour le développement de la théorie féministe du cinéma durant cette période. Le premier facteur est relatif aux mouvements des femmes qui ont pris plus d’importance au début de cette décennie. Le deuxième facteur a été la diffusion du cinéma indépendant et la présence féminine croissante parmi les cinéastes. Finalement, le dernier facteur a été la réflexion de plus en plus prégnante portée sur la représentation des personnages féminins. Dans de ce contexte, la théorie féministe du cinéma réunissait – avec ses limites – le travail politique, la pratique filmique et la recherche académique. C’est dans ce contexte historique et politique que Laura Mulvey a publié en 1975 un article qui a profondément marqué les études en cinéma : “Visual Pleasure and Narrative Cinema11. Cet article portait sur le « male gaze », proposant l’identification d’un regard masculin par la caméra, le personnage masculin et le public sur les personnages féminins, à travers un corpus de productions hollywoodiennes des années 1930 et 1940. L’analyse de Mulvey ne traitait pas du cinéma des réalisatrices ou du regard féminin, mais elle a éveillé les recherches sur la représentation des femmes et la portée politique et symbolique d’un regard masculin12

Depuis les années 1980, la recherche sur la théorie féministe du cinéma a produit de nombreuses études sur le travail des réalisatrices et elle permet de mettre en lumière un autre élément : l’importance de l’existence des femmes comme personnages principaux. Citons, à titre d’exemple, la publication fondatrice sur les réalisatrices d’Annette Kuhn, une pionnière de la tradition anglo-américaine qui, en 1982, publie l’un des premiers ouvrages à traiter de l’œuvre des femmes : Women’s Pictures: Feminism and Cinema. En ce qui concerne la France, nous pouvons citer deux ouvrages qui ont étudié l’histoire des réalisatrices françaises : Cinéma d’elles, 1981-2001 : situation des cinéastes femmes dans le cinéma français, écrit par Françoise Audé et publié en 2002, et Le Féminin au cinéma de Thérèse Lamartine, publié en 2010. Chacun de ces textes présente une compilation – nécessaire et méritée – du travail accompli par des réalisatrices, afin de perpétuer leur vision et de rendre leurs films saisissables en tant que matériau d’étude. Ce débat sur la représentation des femmes à l’écran a continué en France avec une attention prononcée pour le travail des réalisatrices, à travers notamment Le Cinéma au prisme des rapports de sexe, publié en 2009 par Noël Burch et Geneviève Sellier, et Le Regard féminin : une révolution à l’écran, publié par Iris Brey en 2020. 

Concernant les cinémas hispanophones, des publications importantes sont parues, par exemple : Mujeres detrás de la cámara. Entrevistas con cineastas españolas 1990-200413, publié en 2005 par María Camí-Vela, ou encore l’ouvrage De cierta manera: cine y género en América Latina14, publié sous la direction de Laurence Mullaly et Michèle Soriano, et Directoras de cine en España y América Latina. Nuevas voces y miradas15, publié sous la direction de Pietsie Feenstra, Esther Gimeno Ugalde et Kathrin Sartingen. Ce dernier ouvrage, loin d’être une simple compilation, fait également office d’archives, créant une nouvelle visibilité au travail de réalisatrices dans les cinémas hispanophones. Même si les ouvrages que nous venons de citer sont issus de langues et de contextes différents (et illustrent des préoccupations et des tendances propres à ces contextes) et même si les sujets n’y sont pas développés de la même manière, ils sont toujours liés à une préoccupation interne à ces contextes et à leurs domaines de recherche : le besoin de parler des travaux des femmes cinéastes. Les quelques ouvrages cités témoignent de l’intérêt académique pour les recherches sur les représentations cinématographiques faites par le cinéma des réalisatrices, sur leur place dans l’histoire du cinéma ou encore sur la manière dont on peut définir, ou pas, les regards féminins dans les films réalisés par des femmes. 

À la lumière des publications évoquées ci-dessus, il nous paraît possible de proposer deux paramètres concernant le cinéma des réalisatrices, c’est-à-dire les sujets qu’elles traitent et l’expérience vécue par la protagoniste du récit. Le premier paramètre est relatif aux thématiques concernant les femmes et il interroge la manière dont les réalisatrices les mettent en avant. Comme exemple de ce paramètre, nous citons l’ouvrage Directoras de cine en España y América Latina. Nuevas voces y miradas et la façon dont les autrices remarquent quelques thématiques comme, « Identités et altérités » et « Corps transitoires16 ». Les chercheuses démontrent une nouvelle attention pour les questions identitaires comme une forme d’altérité, quand les films traitent des questions sur la place des femmes dans la société. L’ouvrage souligne aussi l’importance de l’impact de la violence subie par les femmes et la manière innovante dont ce sujet est traité dans les œuvres de réalisatrices hispaniques. Par exemple, dans un des chapitres du livre écrit par le chercheur Wolfgang Bongers, est abordé le cas des réalisatrices argentines Albertina Carri et Anahi Berneri et le regard qu’elles portent sur des thèmes comme l’injustice ou la violence : 

 

Au niveau formel, cependant, on peut voir que ces regards sont construits en se concentrant sur la perception et la construction de la réalité d’un personnage-femme, et sur un plan thématique, on peut présenter un point de vue sur le traitement de l’injustice ou de la violence physique, culturelle ou sociale exercée sur les femmes [...]. En ce sens, [le cinéma féminin] est fortement politique, car il interroge à partir de ses images17

Cette politisation, par le biais des images, présente dans le travail de certaines réalisatrices est de plus en plus évoquée dans les ouvrages académiques, comme c’est le cas d’autres ouvrages récemment publiés18.

Reprenons aussi le deuxième paramètre d’analyse : l’expérience vécue par la protagoniste. Dans une publication parue en 2020, la chercheuse Iris Brey a repris et défini le concept d’expérience féminine afin d’identifier le female gaze dans un film. Pour Brey, il s’agit d’« [...] un regard porteur d’une expérience spécifique – celle de ressentir une expérience vécue féminine – dont la subjectivité repose sur une construction historique et sociale19 ». Nous considérons que le protagonisme des personnages féminins peut proposer de nouvelles interprétations sur des expériences toujours d’actualité et la façon de représenter ces expériences est notre intérêt principal dans le cinéma des réalisatrices. 

Cet article cherche à contribuer à cette discussion qui porte sur la manière dont il est possible d’aborder les films signés au féminin : c’est pour cela que nous proposons une méthode d’analyse comparative par une étude de cas, dans l’objectif de saisir les possibles coïncidences, sans ignorer pour autant les différences et particularités de chaque mise en scène. Afin de préciser notre méthode, nous allons reprendre la théorie d’Homi Bhabha sur la notion de « l’hybridité » et de « troisième espace ». Rappelons également que, étant donné que nous allons juxtaposer deux films venant de territoires différents et ayant reçu de récompenses de la part de remises de prix dans leurs pays, l’interculturalité sera un thème important pour notre analyse. 

 

2. Les festivals de cinéma, rencontres de femmes

Lorsque l’on parle d’interculturalité, notre but n’est pas d’opposer le travail d’une réalisatrice française à celui d’une réalisatrice latino-américaine, ou de fournir des interprétations concluantes sur la différence culturelle à partir de deux films, mais d’étudier la mise en scène de sujets actuels, universels et même difficiles comme l’inceste ou l’intersexuation, qui sont au cœur de notre corpus. Les récompenses cinématographiques nous permettent de sélectionner les deux films, car ces manifestations sont déjà un outil de sélection, du fait que ceux-ci sont un tremplin très important, en plusieurs sens, pour les cinéastes, les films et le milieu cinématographique en général. En ce qui concerne le cinéma réalisé par des femmes, la chercheuse Esther Gimeno Ugalde propose une archive importante sur le nombre de films réalisés par des femmes dans les cinémas hispaniques à partir du début du XXsiècle. Elle analyse les enjeux de leur réussite et explique : 

Leur participation [des réalisatrices] à des festivals nationaux ou internationaux se traduit par une mise en scène de leur présence dans le Septième Art. Ainsi, les festivals agissent comme une plateforme de diffusion et un moyen de projection nationale et internationale de leur travail; ils leur donnent une présence et une visibilité dans le monde du cinéma et contribuent, indirectement, à faire connaître les réalisatrices auprès de la critique, du monde académique et du grand public20.

Nous avons donc cherché une remise de prix de chaque côté de l’Atlantique qui devait servir de plateforme pour le cinéma des réalisatrices contemporaines. Au moment de faire cette recherche, durant l’année 2020, le Prix Alice Guy en France et le Femme Revolution Film Fest au Mexique se sont présentés comme des exemples parlants pour notre étude. 

Alice Guy-Blaché a probablement été la seule réalisatrice de films au monde entre 1896 et 190621. En s’inspirant du travail de cette cinéaste, scénariste et productrice française, la remise du prix reprend son nom et crée une récompense pour mettre en lumière le travail des autres réalisatrices francophones. C’est ainsi que nous trouvons sur son podium les cinéastes Lidia Terki, Mounia Meddour, Maïmouna Doucouré, Alice Winocour ou encore Audrey Diwan. Pour cette analyse, nous avons pris le film lauréat de l’édition de 2019 : Un amour impossible de Catherine Corsini. À la différence du Festival international de Créteil, l’un des plus anciens et lui aussi dédié au cinéma des réalisatrices, le Prix Alice Guy a été conçu comme un événement focalisé uniquement sur le cinéma francophone et ses réalisatrices, et c’est sous cet angle que nous l’avons choisi. 

Du côté latino-américain, nous avons sélectionné le festival mexicain Femme Revolution Film Fest créé en 2019. Au moment de sa création, il s’agissait du premier festival au Mexique dédié exclusivement au cinéma réalisé par des femmes22 et, en plus de récompenser les réalisatrices et leurs films, il comportait aussi une catégorie consacrée aux personnages féminins, qui se présentait assez adéquate pour alimenter notre analyse. C’est pourquoi nous avons choisi le film vénézuélien Yo, imposible de Patricia Ortega, récompensé lors de la première édition du festival pour la « meilleure construction de personnage féminin. »

Le site web du Prix Alice Guy explique que ce dernier « a vocation à pallier ce manque de reconnaissance [des femmes] et à mettre en lumière leur talent, leur audace, leur contribution à l’histoire du Septième Art23. » En outre, le Femme Revolution Film Fest se décrit comme « un projet de divertissement et d’exposition du cinéma contemporain qui aborde la féminité sans stéréotypes, idéologies ou préjugés cognitifs24. » Ces objectifs respectifs illustrent ce que la chercheuse Marijke de Valck développe dans son ouvrage Film Festivals: from European Geopolitics to Global Cinephilia, lorsqu’elle parle de la contribution des festivals au cinéma : « Les festivals de cinéma n’étaient pas seulement des lieux d’exposition alternatifs. Il est vite apparu qu’ils allaient marquer la culture cinématographique de leur empreinte. Dès le départ, les festivals de cinéma se sont distingués par leur capacité à apporter une valeur ajoutée aux films et aux cinéastes25 ». La création des festivals cinématographiques féminins et, de manière particulière, les deux exemples mentionnés ci-dessus peuvent être considérés comme un signe de la conviction féminine de (re)valoriser la participation des réalisatrices et, selon les propos de De Valck, de définir et diffuser l’importance de leur empreinte sur la culture cinématographique.

Un amour impossible et Yo, imposible ont marqué respectivement les jurys dans leurs pays en 2019 et nous avons constaté quelques coïncidences entre les deux histoires. En plus du terme « impossible » dans les titres, les analyses filmiques nous ont apporté d’autres thématiques communes concernant les personnages principaux féminins, qui unissent les films et font croiser leurs territoires : l’influence des relations amoureuses, les secrets de famille, les pères absents, les tabous et la lutte constante des femmes pour être acceptées ou valorisées. 

 

3. Une identité hybride par la mise en scène

Dans cette étude, nous envisageons le travail de ces deux réalisatrices comme une possibilité de mettre en avant, par leurs mises en scène, des expériences féminines marquées par des imaginaires si éloignés géographiquement, mais qui parfois peuvent être si proches sous le regard de la caméra. Afin de préciser les concepts qui nous aideront à juxtaposer les deux regards de ces réalisatrices, nous tenons à citer l’ouvrage Directoras de cine en España y América Latina. Nuevas voces y miradas, qui constitue une base, et surtout un déclencheur, pour les ambitions de ce texte. Nous avons trouvé particulièrement intéressante la façon dont une des autrices, Pietsie Feenstra, reprend les postulats postcoloniaux de Spivak sur la « Voix du subalterne26 » et le concept du « troisième espace », du théoricien postcolonial Homi K. Bhabha27.  Pietsie Feenstra propose une réécriture de l’histoire du cinéma en s’inspirant de ces théories : elle décrit la présence de l’œuvre des cinéastes femmes comme un « interstice », comme un espace où le travail des réalisatrices prend sa place dans l’histoire du cinéma en témoignant des changements culturels dans l’histoire récente dans nombreux pays. Elle reprend Bhabha qui observe une tendance à la centralisation de la pensée lorsque l’on parle d’une « culture colonisée » et d’une « culture oppressive ». Bhabha propose de contrebalancer cette centralisation, ou monopolisation de la pensée, en observant comment les deux cultures interagissent l’une avec l’autre dans un lieu qu’il appelle « l’interstice » ou « le troisième espace », où le dialogue et l’hybridation sont le résultat d’une valorisation de la différence. 

Nous souhaitons reprendre les concepts d’hybridation et de troisième espace afin de mettre davantage en évidence l’interaction entre les regards des deux réalisatrices. Notre étude des concepts se concrétise par l’étude de la mise en scène : nous comparons les deux récits. La mise en scène d’un regard interroge les identités hybrides. Dans ce dialogue cinématographique entre les deux films, l’identité hybride devient tangible dans le troisième espace. À propos de ce terme, Bhabha le définit ainsi : « C’est ce troisième espace, bien qu’irreprésentable en lui-même, qui constitue les conditions discursives de l’énonciation qui font que le sens et les symboles de la culture n’ont pas d’unité ou de fixité primordiale28 […]. »  Le troisième espace fait partie de l’imaginaire et nous l’aborderons en tant que lieu où se loge l’identité hybride. Ce troisième espace peut exister grâce aux indices et signes, qui peuvent être appropriés ou actualisés dans de nouveaux contextes. C’est ainsi que la proposition de H. Bhabha nous permet de tracer cette « identité hybride » entre deux regards, dans deux cinémas de langues, de cultures et de territoires différents.

 

3.1 Les traces des tabous

Afin d’illustrer notre méthode, nous analyserons certaines séquences pour illustrer la mise en scène de l’identité hybride29.  Le point de départ de cette analyse est la présentation d’un des principaux conflits : le tabou, sous la forme d’inceste dans le récit français, et sous la forme de l’intersexuation dans le récit latino-américain. Nous allons ensuitétudier l’une des caractéristiques les plus récurrentes chez les femmes dans les deux films : le silence. Enfin, nous analyserons comment les jeunes filles ont fait face au tabou, et au silence de leurs mères. Il nous semble important de mettre en lumière comment les deux films manifestent leur identité hybride à travers des éléments très spécifiques de la mise en scène tels que le corps, le silence ou le regard des personnages dans le but de montrer le non-dit et d’interroger les sujets abordés. 

Au niveau de la mise en scène, les récits remplacent des mots par des indices plus ou moins discrets pour révéler l’inceste et l’intersexuation peu à peu. Cette représentation progressive des tabous est le moyen choisi par Corsini et Ortega pour démasquer des situations assez complexes et pour dénoncer les conséquences des abus commis. La mise en scène de Patricia Ortega questionne le public et lui donne l’exemple de l’histoire d’Ariel pour représenter la réalité vécue par les personnes intersexes. Ensuite, tout au long du récit, des éléments sont apportés par d’autres personnages intersexes qui contribueront à mieux comprendre l’expérience et le ressenti d’Ariel.

Le déchirement d’Ariel


Ariel et son double

 

Au début de Yo, imposible, nous pouvons déjà voir les éléments qui produiront le déchirement d’Ariel en tant que personne intersexe et auquel Ortega va sensibiliser notre regard. La cinéaste confronte violemment le spectateur à la réalité d’Ariel à travers la scène de la relation sexuelle, dans laquelle la souffrance de la protagoniste est évidente puisqu’elle est accompagnée de sang, de cris et de larmes. Cependant, la raison de cette profonde douleur est exprimée par des éléments plus subtils, moins perceptibles aux yeux du public, tels que la rupture du corps d’Ariel manifestée par les mannequins cassés qui l’entourent, ou bien le montage parallèle où nous voyons une sorte de double d’Ariel comme s’il s’agissait d’un avertissement du conflit à venir. Plus subtilement encore, Ortega continue la séquence en montrant des photographies d’Ariel et de sa mère, qui ne représentent pas une famille heureuse : souvent les gestes photographiques témoignent d’un moment de bonheur du passé, ici c’est le contraire. Nous voyons ici une mère et sa fille si sérieuses que nous pouvons ressentir leur tristesse. Mais pourquoi une telle tristesse et une telle douleur entourent-elles Ariel ? 

Le public et la protagoniste découvrent en même temps les conséquences que la chirurgie de normalisation non-consentie a causées sur le corps d’Ariel. Afin de comprendre le processus de découverte d’Ariel (c’est-à-dire, qui elle était à sa naissance) et ce qui s’est passé après, la réalisatrice fait appel à des éléments (comme le dossier médical d’Ariel) qui nous aident à mieux comprendre en quoi consiste l’intersexuation. En outre, la participation des autres personnages intersexes expriment, à travers leurs témoignages, des sentiments, des peurs, des doutes et une marginalité qui les touchent de nombreuses manières. Ainsi, Ariel est la personnification de plusieurs épreuves auxquelles les personnes intersexes se retrouvent confrontées, comme la souffrance physique et psychologique. 

Bien que nous n’entendions pas Dolores, la mère d’Ariel, s’exprimer elle-même sur le sujet, nous entendons le témoignage d’une autre mère qui regrette d’avoir perpétué la définition binaire du genre qui prévaut encore dans la société actuelle. On comprend qu’elle a agi ainsi par ignorance et parce qu’elle était guidée par une équipe médicale qui n’était pas informée sur le sujet. De cette façon, la cinéaste fait des témoins un élément de soutien et de compréhension autant pour le personnage d’Ariel que pour le public.

Pour sa part, Catherine Corsini utilise de petits indices tout au long du film, en sollicitant l’attention des spectateurs : il faut un regard très minutieux, voire une lecture rétrospective pour identifier la discrétion avec laquelle Philippe se conduit envers sa fille. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La sortie de l’hôtel 

 

Le dîner 

Dans les scènes que nous avons choisies, il est possible d’observer l’importance que Corsini accorde au regard. Le public peut supposer des moments où l’inceste a été commis à travers les regards incisifs, directs et froids de Philippe. Le moment le plus tendu est lorsqu’il va chercher sa fille Chantal à sa chambre d’hôtel : à leur sortie, ils échangent un regard rapide, presque imperceptible, mais celui de Chantal exprime la confusion et la perplexité. À partir de cet instant, nous voyons souvent les regards que Philippe lance à Chantal, toujours à l’abri des yeux de Rachel. Le dialogue est absent de ces scènes, de manière à ce que le public puisse se concentrer sur la simple action du regard : mais comment et qui Philippe regarde est l’indice le plus important, qui échappe à Rachel. 

Cet aveuglement toujours présent en Rachel est avoué à la fin du film et, selon l’observation des spectatrices et des spectateurs, Rachel pourrait être un miroir dans lequel nous pouvons voir les indices que d’autres femmes impliquées dans la même situation n’auraient pas perçus ou ne percevaient pas. Nous trouvons la principale vertu de la protagoniste dans l’expérience qu’elle nous partage et qui nous encourage à la réflexion.  

Avec presque la même subtilité dont Corsini se sert des regards des personnages, elle dresse les portraits d’une mère et d’une fille troublées par le tabou de l’inceste, à travers la voix off de la fille Chantal en tant que témoin qui raconte à la fois l’histoire de sa mère et sa propre histoire. Dans la narration de cette voix off, nous trouvons des indices soulignant un comportement étrange de la part de Philippe : Chantal raconte des moments avec son père qui pourraient sembler « communs » dans une relation père-fille, mais sa narration est suivie d’un court silence, une pause qui invite le public à réfléchir, en laissant le doute s’installer. On cite deux exemples : 

 Mon père m’a proposé de venir passer une semaine à Strasbourg. Ses enfants ne connaissent pas mon existence, mais ils partent au Maroc avec leur mère pendant les vacances. L’appartement était vide…

– Juste avant que je finisse mes bagages, il est venu me voir dans ma chambre. 

L’intime, comme le terme l’indique, héberge souvent l’invisible. Alors, comment déchiffrer un abus sexuel commis au sein d’une famille ? Comment illustrer une condition comme l’intersexuation ? Les tabous puisent leur force dans le non-dit et le fait de cacher ces réalités difficiles impose le pacte d’un silence. Cependant, les réalisatrices ont su faire appel aux détails dans les décors, aux petits gestes des acteurs et des actrices pour représenter ces non-dits et les dévoiler tout au long des récits, jusqu’à le rendre explicite et à révéler la valeur et le poids du moindre détail.

 

3.2 Le silence des femmes à l'écran

Le silence est très important dans les deux récits. Il perpétue les tabous et, pour des raisons multiples, les femmes s’y cachent parfois. Les films montrent l’étendue de sa portée, qui atteint la personnalité des protagonistes et, à travers la mise en scène des personnages, les enjeux du silence sont illustrés. 

Ariel et sa mère à l’hôpital 

Ariel regarde son reflet 

 

Ariel est une personne qui évite la confrontation. Elle est timide et réservée. Il s’agit d’une fille qui a grandi sous le joug de sa mère, qui n’a reçu aucune éducation pour prendre soin de son corps, puisqu’au contraire cette activité lui était presque interdite, dans le seul objectif de cacher son intersexuation. 

Nous pouvons observer les caractéristiques de sa personnalité et le type de relation qu’elle maintient avec sa mère lors d’une séquence dans l’hôpital : alors qu’elles sont la seule famille qu’elles ont l’une pour l’autre, Ariel et sa mère font preuve de honte envers leurs corps et un manque de communication est clairement perceptible entre elles. Elles ne se regardent jamais, se parlent à peine et Ariel a du mal à s’exprimer devant sa mère. Elle garde la tête basse et Dolores lui lance un regard incisif. Des moments tels que celui mentionné ci-dessus, où le corps féminin est le motif de l’interaction entre mère et fille, sont remarquables par l’absence de la parole. Dolores, la mère, évite de parler de son corps, et refuse de parler du corps de sa fille, elle se sert du silence pour sauvegarder le secret sur l’intersexuation d’Ariel.

Nous tenons à évoquer une autre séquence dans laquelle Ortega met aussi en œuvre le silence, mais cette fois-ci en faveur de la protagoniste. Après avoir appris comment la mère d’Ariel a découvert l’intersexuation et pourquoi elle a décidé de soumettre sa fille à la chirurgie de normalisation non consentie, Ariel cherche chez elle des traces de son passé et du moment de sa naissance. Elle trouve alors une photographie d’elle étant bébé et soudain elle se met devant le miroir nue, sans prononcer un mot. À cet instant, en regardant son anatomie et ses cicatrices libres de secrets, Ariel brise la répression et l’enfermement auxquels sa mère l’a soumise. Cette fois, le silence acquiert le sens de la réflexion vers la découverte, la vérité et la possibilité de laisser la douleur derrière soi. Avec cette séquence, Ortega nous invite à réfléchir à l’impossibilité d’être nous-mêmes. En regardant l’histoire d’Ariel et en écoutant les témoignages des personnages intersexes, il est presque inévitable de se poser certaines questions et de réfléchir à ce qui ne fait pas, habituellement, l’objet de notre curiosité : dans quelle mesure connais-je mon corps ? Comment en prendre soin ? Est-ce que je respecte le corps des autres ? 

Pour sa part, Rachel est aussi représentée comme une femme passive, elle attend toujours Philippe, le père de sa fille, quelles que soient les circonstances. Lorsque les moments les plus tendus avec lui surviennent, Rachel réagit par la stupéfaction. 

« Il avait besoin de vacances, il partait en Italie. »

Rapporte la voix de Chantal en citant le contenu de la lettre que Philippe envoie à Rachel en réponse à l’annonce de sa grossesse. 

« J’ai toujours été franc avec toi, la grossesse ne changera rien. » 

Dit Philippe pendant les vacances à Nice.

« J’ai beaucoup de travail, tu sais, et puis je prépare ma vie. »

Prononce Philippe après une journée passée ensemble, quand la petite Chantal a quatre ans.

Nous avons choisi de nous attarder sur trois de leurs premières rencontres, car dès le début de leur relation, Philippe exprime son détachement en tant que compagnon et père éphémère. Ces trois moments se distinguent par les prétextes de Philippe pour éviter d’assumer ses responsabilités et, surtout, par le silence de Rachel face à sa manipulation et à son désintérêt. 

Ils n’ont connu qu’une seule longue période ensemble, quelques mois pendant lesquels Philippe a vécu dans le même village que Rachel, et qui s’est terminée avec l’attente de leur fille. Après cela, ils se rencontrent six fois sur une période de quatorze ans et, presque à chaque fois, Philippe donne un prétexte pour ne pas avoir une relation plus sérieuse. Cette situation engendre de nouvelles douleurs pour Rachel, car il est évident qu’elle sait qu’il ne s’agit que d’excuses de la part de Philippe. À chaque fin de leurs retrouvailles, l’expression de Rachel est celle de l’incertitude. Bien qu’ils fassent des rencontres agréables et excitantes, la fin est toujours la même : il part et elle reste immobilisée par la passivité et l’attente de ce qui va se passer ensuite, sans savoir quand elle le reverra. Elle garde un regard perdu et reste tantôt étonnée, tantôt désespérée, et toujours silencieuse. 

L’inaction de Rachel nous amène également à réfléchir, car Corsini réussit à faire un portrait très détaillé de la manière dont beaucoup de femmes permettent les abus : en gardant le silence. Peut-être le public qui regarde Rachel se demande-t-il combien de fois nous permettons ou exerçons la manipulation, ou combien de fois nous ne réagissons pas alors que c’est nécessaire. Rachel nous fait réfléchir à l’oppression que nous pourrions faire subir aux autres, mais aussi à l’influence décisive des opprimés eux-mêmes pour y mettre fin. Le recours au silence… Ce récit illustre comment le non-dit devient un pilier de l’oppression féminine, mais les filles vont affronter le secret par le corps ou la parole. 

 

3.3 L'initiative de la jeunesse féminine

Les personnages des filles représentent les nouvelles générations et, face aux tabous, elles se positionnent de façon contraire à leurs mères : Chantal brise le silence et discute avec sa mère sur les abus commis par son père, et Ariel accepte son intersexuation en laissant derrière elle les secrets et le joug imposés par sa mère. Ainsi, une hybridation entre les deux récits se rend tangible à travers l’initiative des jeunes pour résoudre les principaux conflits : l’identité de la nouvelle génération n’est pas une imitation du comportement de leurs mères. Les jeunes femmes se construisent en affrontant le secret.

Rachel arrive à la gare 

Chantal discute avec sa mère 

 

Pour illustrer le moment de vérité par la parole de la fille, nous avons choisi la séquence finale dans laquelle le personnage de la fille Chantal, et le personnage de sa mère Rachel se retrouvent à la gare et ensuite discutent dans un restaurant. Cette rencontre arrive pour Chantal vingt ans après les abus commis par son père. Sa relation avec sa mère s’était tellement détériorée qu’elles ne se sont pas vues pendant cinq ans. « Ce qui s’est passé ensuite a été une surprise. Des sentiments très anciens qu’on croyait perdus ont commencé à réapparaître. » C’est ainsi que Chantal explique son désir et sa motivation à se réconcilier avec sa mère, à retrouver leur relation et à mettre enfin un terme aux non-dits. 

La mise en scène propose un plan avec Chantal et Rachel au milieu d’une foule. Tant à la gare qu’au restaurant, nous les regardons comme si elles étaient des personnes ordinaires que nous pourrions croiser, sauf qu’elles parlent de la blessure la plus profonde et la plus douloureuse que leur famille ait connue. C’est hors de l’intimité, cette intimité brisée et protégée par l’anonymat d’un lieu public (peut-être pour éviter la honte de se retrouver face-à-face dans une chambre fermée) que Chantal affronte sa mère. Chantal observe tout autour d’elle puis pose les yeux sur sa mère, une femme d’une soixantaine d’années qui ne supporte pas le regard de sa fille. Rachel baisse les yeux, elle se sent coupable, Chantal le sait, et la discussion commence. 

Chantal prend beaucoup de temps pour analyser et comprendre l’attitude de son père et le silence de sa mère. Elle part cependant retrouver celle-ci dès qu’elle a tiré ses conclusions. Au bout de cinq ans de séparation, elles se rencontrent pour que Chantal puisse tout expliquer à Rachel et la jeune fille réussit enfin à résoudre une affaire très dure et très blessante pour les deux femmes, sans que sa mère ne se sente coupable. Au contraire, Rachel reçoit de sa fille les raisons et les explications qu’elle n’a jamais trouvées par elle-même et les deux femmes se réconcilient ainsi.

Contrairement à Corsini, Ortega a opté, encore une fois, pour le silence des protagonistes pour représenter le moment où Ariel pardonne à sa mère et se réconcilie avec la conception binaire du genre qui a bouleversé sa vie. 

Ariel dit adieu à sa mère 

 

Le petit costume bleu

 

La séquence de réconciliation entre Ariel et sa mère se déroule à la morgue, où Ariel prépare le corps de sa mère pour l’enterrement. Dans cette séquence, on voit Ariel faire ses adieux dans un rituel très intime avec sa mère, la traitant avec beaucoup de délicatesse, l’habillant d’une tenue entièrement rose, jusqu’à ses ongles, qu’Ariel elle-même peint avec soin. À ce moment-là, Ariel fait preuve de compassion, malgré la douleur que Dolorès lui a causée. À la fin de cet adieu, Ariel lui rend une petite croix en argent, en signe de repos pour sa mère, mais qui symbolise aussi la distance qu’elle a prise par rapport à l’éducation qu’elle a reçue. Enfin, elle part se redécouvrir et vivre son indépendance.

En outre, dans un montage parallèle à cette séquence, nous voyons Ariel garder soigneusement une robe blanche que sa mère lui a confectionnée, et en même temps observer le petit costume bleu, le seul vêtement à caractère non-féminin qu’elle avait conservé. Nous percevons ces deux vêtements comme une représentation du conflit intérieur d’Ariel : deux identités qui semblent s’opposer, mais qui résident simultanément dans la même personne. Cette double identité pourrait la définir : Ariel vient de le comprendre et, surtout, de l’accepter. 

Il est important de mentionner que la mort de Dolores est survenue après plusieurs mois de maladie. En plus de son travail à l’usine, Ariel passait ses journées à l’hôpital aux côtés de sa mère, s’occupant d’elle et essayant de soulager sa douleur. Cependant, lorsque la maladie s’est aggravée, Ariel a refusé de décider pour sa mère s’il fallait ou non poursuivre le traitement, qui ne semblait pas fonctionner. La fille se rend compte que cette décision ne la concerne pas et laisse sa mère décider de son avenir et de son corps déjà fatigué.

Il est également intéressant de noter le contraste entre les deux mises en scène : le film français place la séquence de résolution dans un endroit public, tandis que le film vénézuélien reste dans l’intimité du rite. Néanmoins, dans ces deux dénouements nous n’entendons pas les mères. Dans le cas de Rachel, c’est sa fille Chantal qui lui explique – ainsi qu’au public – son interprétation des actes de son père, les exonérant de toute responsabilité. Quant à la mère, Dolorès, elle ne parle plus et on ne la voit pas ; la caméra se concentre sur Ariel, ses gestes prudents et ses larmes, en guise de libération et de pardon.

Nous tenons à souligner comment, malgré les différentes personnalités féminines présentées à l’écran, les réalisatrices font toutes deux réagir les jeunes femmes. Ainsi, le principal résultat de cette initiative menée par la nouvelle génération de femmes est le pardon entre les deux générations, sans laisser de côté les responsables des conflits – qui ne sont pas seulement des hommes. L’autrice Iris Brey nous rappelle en citant Rebecca Solnit : « L’histoire des droits des femmes et de leur absence de droits est une histoire de silence et de silence que l’on brise30 ». Ariel et Chantal représentent, à la fin des films, ce brisement dont Solnit parle. Elles ont remis en question ce qui favorise la perpétuation des tabous, des comportements machistes et des afflictions féminines. 

 

Conclusion : le troisième espace féminin, un espace de dialogue à l'écran

Nous avons comparé la manière dont les deux réalisatrices ont mis en avant le thème du tabou et la souffrance des protagonistes qui en résulte : les récits ont rendu visibles des problèmes toujours d’actualité. Or, même si la frontière géographique sépare les deux films, la reconnaissance lors des remises de prix les réunit devant les spectateurs et l’expérience des personnages féminins se partage par l’écran sous la forme de dénonciation, d’agression, de culpabilité et de combat. Dans les films, les deux réalisatrices ont créé un dialogue, un « troisième espace » comme « espace symbolique pas fixé31 » qui pourrait rendre possible l’appréciation d’une identité hybride, une identité à construire, entre deux regards cinématographiques et nous faire comprendre l’expérience féminine partagée au-delà des territoires, des sociétés et des époques.

Nous considérons cette réflexion commune comme le principal bienfait du troisième espace, d’abord parce que la dénonciation qu’elle permet est nécessaire pour amorcer un changement des mentalités, ensuite car les réflexions générées dans le troisième espace permettent de réaliser ce dont parle Bhabha : « [...] Que les mêmes signes peuvent être appropriés, traduits, réhistoricisés et relus32. » En rendant possible l’appréciation de l’identité hybride à travers la réunion de deux réalités féminines, le troisième espace s’impose comme un lieu idéal pour effectuer cette « relecture des signes » dont l’auteur parle. Bhabha définit également l’hybridation comme une négociation constante33 qui rend possible la création de sites de collaboration innovants. Après notre analyse comparative des deux films récompensés dans des festivals, nous considérons que les festivals mettant à l’honneur le cinéma au féminin projettent cette négociation constante que les femmes entretiennent avec elles-mêmes à propos de leurs inquiétudes, de leurs erreurs et de leurs désirs. Le troisième espace se formera, rempli de ces différentes négociations et hybridations. Dans les festivals de cinéma, le dialogue entre les œuvres s’installe et celui-ci dépasse parfois les histoires représentées à l’écran.

Nous avons évoqué, dans la première partie de l’article, une brève histoire des luttes des féminismes à travers l’histoire et comment cette conjoncture se manifeste dans le milieu cinématographique. À titre d’illustration, et concernant les dénonciations des femmes dans le milieu cinématographique, nous pouvons mentionner des mouvements récents comme le mouvement #MeToo, qui a eu un immense impact médiatique depuis 200634 et dont la portée s’est amplifiée avec « l’affaire Weinstein » révélée en 201735, suivie par une manifestation en 2018 au Festival de Cannes avec les quatre-vingt-deux femmes qui ont monté les marches de la Croisette36 afin de réclamer l’égalité salariale37. En dehors du milieu cinématographique, on pourrait citer l’attention autour du tabou de l’inceste, thème abordé dans notre analyse. L’année 2021, deux romans ont mis le sujet sur la table : La Familia grande de Camille Kouchner, où elle décrit les abus que son beau-père, le politiste Olivier Duhamel, a fait subir à son frère jumeau, ainsi que Le Voyage dans l’Est de Christine Angot, l’autrice du roman qui a inspiré le film analysé dans ce texte38.

Tous ces événements composent la conjoncture – précédente et subséquente – dans laquelle les films du corpus ont été conçus par leurs réalisatrices et reconnus dans le milieu cinématographique par des jurys experts. La lutte menée par les nouvelles générations de femmes et leurs expériences féminines partagées sont les sujets au cœur des deux récits que nous avons étudiés au sein de cet article. Notre proposition d’une identité hybride, comme un dialogue entre les regards cinématographiques, comme un troisième espace filmique, est une manifestation qui s’inscrit au cœur de l’actualité, à travers laquelle il est possible d’observer les préoccupations contemporaines. La thématique commune du silence et une expérience partagée de la souffrance des protagonistes se retrouvent dans le troisième espace. L’utilité de cet espace imaginaire réside dans le repérage possible des questions sur une identité hybride : une identité qui ne se fixe pas, mais sollicite notre regard, se construit et s’interroge, comme un symptôme, qui indiquera à la société où agir.

 


Notes et références

Corpus

Titre : Un amour impossible
Réalisation : Catherine Corsini
Scénario : Catherine Corsini et Laurette Polmanss, d’après le roman de Christine Angot 

Pays d’origine : France
Langue : français
Date de sortie : 2018

Titre : Yo, imposible (Moi, impossible) 

Réalisation : Patricia Ortega
Scénario : Patricia Ortega et Emanuel Chávez 

Pays d’origine : Colombie et Venezuela 

Langue : espagnol

Date de sortie : 2018

 

Bibliographie

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Rochefort Florence, Histoire mondiale des féminismes, Paris, Que sais-je ?, 2022.


1 D’après le roman de Christine Angot, Un amour impossible, Paris, Flammarion, 2015.

2 À propos du terme « intersexuation », que nous utilisons dans cet article, il a été reconnu par l’organisation Amnesty International (www.amnesty.fr/focus/le-i-de-lgbti) comme étant le plus approprié – en opposition à celui d’« intersexualité » – de même que le terme de « personne intersexe ». Par ailleurs, nous désignerons le personnage d’Ariel comme « la protagoniste » car, au début du film, elle ne se connait qu’en tant que femme et sa redécouverte se fera au fil du récit. Nous avons donc décidé de conserver l’orthographe féminine lorsque nous parlerons d’Ariel.

3 Florence Rochefort, Histoire mondiale des féminismes, Paris, Humensis, « Que sais-je ? », 2022. p. 12.

4 « [...] Un momento iniciático iría de la primera década del siglo XX hasta los cuarenta; un receso o estancamiento hasta la década del setenta, cuando se inició una nueva etapa que cobró fuerte impulso en los ochenta y noventa, y, por último, un tercer momento que comenzó a fines de la década de 1990 y que llega hasta nuestros días. Cada uno de estos períodos estuvo signado por una agenda de derechos. El primero, por la igualdad jurídica, la equiparación de los derechos políticos, los beneficios de la educación y el reconocimiento de los valores de la maternidad con su correspondiente protección legislativa [...]. El segundo momento estaría marcado por las denuncias de violencias patriarcal —en una primera instancia enfocadas en la violencia doméstica—, por la insurgencia contra el mandato exclusivo de la reproducción, el reconocimiento de la disidencia sexual con derecho propio y la ampliación de la ciudadanía política. El tercer ciclo se ha caracterizado por la eclosión de los reclamos de las mujeres de los pueblos originarios, afrodescendientes y jóvenes que desde planteos más radicales están contribuyendo a convertir a los feminismos en movimientos de masas ». (Traduction personnelle). Inés Cuadro Cawen, “Dora Barrancos: Historia mínima feminismos América Latina”, Claves. Revista de Historia, vol. 7, n°13, 2021, p. 351‑355.

5 Les femmes étaient présentes dans le cinéma bien avant 1960, on tient à mentionner quelques pionnières comme Alice Guy et Germaine Dulac pour la France, Lotte Reiniger en Allemagne, Kinuyo Tanaka au Japon, ou encore Adela Saqueyro au Mexique.

Richard Neupert, A History of the French New Wave Cinema, Madison, University of Wisconsin Press, 2007.

7 Agnès Varda peut même être considérée comme une fondatrice du mouvement car son film La Pointe Courte date de 1955. Source consultée le 14  septembre 2023 :

https://www.criterion.com/current/posts/497-la-pointe-courte-how-agn-s-varda-invented-the-new-wave

8 Asier Aranzubia, “Nuevo Cine (1961-1962) y el nacimiento de la cultura cinematográfica mexicana moderna”, Dimensión Antropológica, vol. 52, n°5, 2011, p. 101‑21.

9 Pour approfondir le sujet, nous renvoyons à l’ouvrage : Elissa Rashkin, Women Filmmakers in Mexico: the Country of which we dream, Austin, University of Texas Press, 2001, p. 60-63.

10 Francesco Casetti, Les Théories du cinéma depuis 1945, Paris, Nathan, 1999, p. 245.

11 Laura Mulvey, “Visual Pleasure and Narrative Cinema”, Screen, vol. 16, n° 3, automne 1975, p. 16-18.

12 En analysant la représentation féminine à l’écran sous ce male gaze, la chercheuse s’inspirait des théories psychanalytiques de Freud et de Lacan. Sa publication de 1975 a marqué les études cinématographiques. Elle a actualisé ce texte dans des publications ultérieures. 

13 María Antonia Camí-Vela, Mujeres detrás de la cámara. Entrevistas con cineastas españolas 1990-2004, Madrid, Ocho y Medio, 2005.

14 Laurence Héricault-Mullaly et Michèle Soriano, De cierta manera: cine y género en América Latina, Paris, L’Harmattan, 2014.

15 Pietsie Feenstra, Esther Gimeno Ugalde et Kathrin Sartingen, Directoras de cine en España y América Latina. Nuevas voces y miradas, Frankfurt, Peter Lang, 2014.

16 “Identidades y otredades. Cuerpos transitorios”. (Traduction personnelle). Ibid., p. 23-24.

17 “A nivel formal pueden manifestarse, sin embargo, miradas construidas a través de la focalización en la percepción y construcción de la realidad de un personaje-mujer; y a nivel temático puede presentarse una mirada sobre el tratamiento de la injusticia o la violencia física, cultural o social ejercidas sobre las mujeres [...] En ese sentido [el cine de mujeres] es fuertemente político, porque cuestiona desde sus imágenes”. (Traduction personnelle). Wolfgang Bongers, « Miradas incómodas, Las estéticas cinematográficas de Albertina Carri y Anahí Berneri », in Pietsie Feenstra, Esther Gimeno Ugalde et Kathrin Sartingen, Directoras de cine en Españaop. cit., p. 417.

18Voir deux publications récentes sur les cinémas hispanophones : Laurence H. Mullaly, Esthétique et politique dans le cinéma argentin. Albertina Carri et Lucía Puenzo : des histoires de familles, Pessac, Publications de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, « Collection PrimaLun@ », 2022. Sonia Kerfa, Dario Marchiori et Angélica Mateus Mora, Le Geste documentaire des réalisatrices. Amérique latine. Espagne, Dijon, Éditions Orbis Tertius, 2023.

19 Iris Brey, Le Regard féminin : une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020, p. 35.

20 “Su participación [de las directoras] en festivales nacionales o internacionales se traduce en una escenificación de su presencia en el séptimo arte. Así pues, los festivales actúan como una plataforma de difusión y son a la vez un modo de proyección nacional e internacional  de su trabajo; les da presencia y visibilidad en el mundo del cine y contribuyen, de manera indirecta, a que las mujeres directoras sean más conocidas por la crítica, el mundo académico y el público en general ». (Traduction personnelle). Esther Gimeno, “Presencias (in)visibles : directoras en el cine español y latinoamericano”, in Pietsie Feenstra, Esther Gimeno Ugalde et Kathrin Sartingen, Directoras de cine en Españaop. cit., p. 77

21 Alison McMahan, “Alice Guy Blaché”, Women Film Pioneers Projecthttps://wfpp.columbia.edu/pioneer/ccp-alice-guy-blache/#bibliography(consulté le 25 février 2021).

22 Voir l’article “El primer festival de cine feminista internacional en México”, publié sur le site Gato Pardo le 22 mars 2019, https://gatopardo.com/arte-y-cultura/festival-de-cine-feminista-femme-revolution/ (consulté le 29 septembre 2023).

23 Citation issue du site « Prix Alice Guy » : https://www.prixaliceguy.com/ (consulté le 4 février 2021).

24 un proyecto para entretener y mostrar el cine contemporáneo que aborda la feminidad sin estereotipos, ideologías ni prejuicios cognitivos ». (Traduction personnelle). Citation issue du site “Femme Revolution Film Fest” : https://femmerevolutionfilmfest.com/ (consulté le 4 février 2021). 

25 “Film festivals were not simply alternative exhibition spaces. It soon became clear that they would put their own stamp on film culture. What set film festivals apart from the beginning was their capacity to add value to films and filmmakers”. (Traduction personnelle). Marijke de Valck, Film Festivals: from European Geopolitics to Global Cinephilia, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2007, p. 210.

26 Gayatri Chakravorty Spivak, “Can the Subaltern Speak”, in Nelson Cary et Lawrence Grossberg, Marxism and the Interpretation of Culture,Urbana, University of Illinois Press, 1988, p. 271-316.

27 Pietsie Feenstra, “¿Cómo leer los nuevos enfoques sobre mujeres directoras? Archivar, visibilizar, escenificar”, in Pietsie Feenstra, Esther Gimeno Ugalde et Kathrin Sartingen, Directoras de cine en Españaop. cit., p. 42-45.

28 “It is that Third Space, though unrepresentable in itself, which constitutes the discursive conditions of enunciation that ensure that the meaning and symbols of culture have no primordial unity or fixity […]”. (Traduction personnelle). Homi K. Bhabha, The Location of Cultureop. cit., p. 37

29 Cette analyse est accompagnée d’une vidéo disponible sur le lien suivant : https://vimeo.com/568176960

30 Voir Rebecca Solnit, La Mère de toutes les questions, Paris, Éditions de l’Olivier, coll. « Les Feux », 2019, cité par Iris Brey dans Le Regard féminin, op. cit.p. 38.

31 Homi K. Bhabha, The Location of Culture, op. cit., p. 37.

32 “That even the same signs can be appropriated, translated, rehistoricized and read anew.” (Traduction personnelle). Ibid., p. 37.

33 Ibid., p. 2.

34 Pauline Croquet, « #MeToo, du phénomène viral au “mouvement social féminin du XXIe siècle” », Le Monde, 14 octobre 2018, www.lemonde.fr/pixels/article/2018/10/14/metoo-du-phenomene-viral-au-mouvement-social-feminin-du-xxie-siecle_5369189_4408996.html(consulté le 26 septembre 2023).

35 Ronan Farrow, “From Aggressive Overtures to Sexual Assault: Harvey Weinstein’s Accusers Tell Their Stories The New Yorker”, The New Yorker, 10 octobre 2017, www.newyorker.com/news/news-desk/from-aggressive-overtures-to-sexual-assault-harvey-weinsteins-accusers-tell-their-stories (consulté le 26 septembre 2023).

36 Mehdi Omaïs, « 72e Festival de Cannes : les femmes passent au premier plan », Le Parisien, 11 mai 2019, www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/72e-festival-de-cannes-les-femmes-passent-au-premier-plan-11-05-2019-8069859.php (consulté le 26 septembre 2023).

37 On pourrait aussi citer des faits ultérieurs : en 2019, l’année où les films Un amour impossible et Yo, imposible ont été récompensés, a aussi été l’année où l’actrice Adèle Haenel a accusé d’agressions sexuelles le réalisateur Christophe Ruggia. Et, pendant l’année 2020, Elliot Page fait publiquement son coming out trans et non binaire. Sources consultées le 14 septembre 2023 : www.cnews.fr/france/2020-01-16/accusations-dadele-haenel-christophe-ruggia-mis-en-examen-et-place-sous-controle et www.midilibre.fr/2020/12/01/lactrice-canadienne-ellen-page-fait-son-coming-out-transgenre-en-devenant-elliot-page-9232001.php.

38 En outre, ce sujet a été très discuté après l’initiative du ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, de fixer un seuil de non-consentement à 18 ans pour l’inceste. C’est une décision qui distinguerait la France d’autres pays occidentaux, à l’exemple de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, ou encore des États-Unis, qui ont choisi de pénaliser l’inceste, même entre deux adultes consentants. Source consultée le 14 septembre 2023 : www.marianne.net/societe/police-et-justice/linceste-en-france-un-interdit-civil-mais-pas-penal.

 


À propos de lautrice

Minerva Sandoval s’est installée en France en 2019 pour entreprendre un master en études cinématographiques et audiovisuelles à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3. Son mémoire de master 1 porte sur le rôle du chaos dans le processus de création audiovisuelle. Sa deuxième recherche, en master 2, cherche à explorer les différents regards du cinéma féminin, les identités féminines qu’il révèle, sa possible hybridation en brisant les frontières territoriales, culturelles et temporelles, et sa représentation à l’écran. Dans le cadre de son doctorat à l’Université Paul-Valéry et réalisé en codirection internationale entre la France et le Mexique, elle travaille sur la représentation des femmes dans l’œuvre des réalisatrices mexicaines et leur reconnaissance au sein de festivals de cinéma internationaux.

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