N°10 / À bas les masques !

L’éthique du care et de la sollicitude dans les jeux vidéo contemporains : quelles nouvelles perspectives ?

Naëlane Lefebvre-Thillier

Résumé

Ces vingt dernières années, le monde du jeu vidéo se fait le témoin de plusieurs mutations à inspecter de près. Habituellement rangé du côté des loisirs, le medium tend à devenir l’une des premières industries culturelles et s’ancre progressivement dans les habitudes quotidiennes de million de joueuses et joueurs. Identifié comme un divertissement aux premiers abords, il ne laisse pas toujours deviner l’apparition de créations relevant d’ambitions artistiques et surtout éthiques.  Depuis les années 2000, et particulièrement depuis 2010, la scène du divertissement numérique accueille des mouvements de créatrices/créateurs sensibilisées/sensibilisés aux questions du bien-être, du soin et de la santé mentale. Elles/ils s’intéressent aux conditions dans lesquelles sont produits et consommés les jeux vidéo et se responsabilisent vis-à-vis des discours déployés auprès des différents publics. C’est notamment le cas du concept de care qui fait son apparition avec le courant des care games en 2018. En y regardant de plus près, les care games présentent des singularités en affirmant leurs liens étroits avec l’éthique du care et de la sollicitude, ce que démontre le manifeste de la carewave document charnière dans l’histoire du care et des jeux vidéo. Cet article propose de donner des clefs, des limites et des exemples pour tenter de définir cette nouvelle tendance et comprendre quels facteurs socio-idéologiques laissent apparaître ces nouvelles formes de créations qui souhaitent refaçonner le médium vidéoludique.

 

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Ces vingt dernières années, le monde du jeu vidéo se fait le témoin de plusieurs mutations à inspecter de près. Habituellement rangé du côté des loisirs, le medium tend à devenir l’une des premières industries culturelles et s’ancre progressivement dans les habitudes quotidiennes de million de joueuses et joueurs. Identifié comme un divertissement aux premiers abords, il ne laisse pas toujours deviner l’apparition de créations relevant d’ambitions artistiques et surtout éthiques.

Depuis les années 2000, et particulièrement depuis 2010, la scène du divertissement numérique accueille des mouvements de créatrices/créateurs sensibilisées/sensibilisés aux questions du bien-être, du soin et de la santé mentale. Elles/ils s’intéressent aux conditions dans lesquelles sont produits et consommés les jeux vidéo et se responsabilisent vis-à-vis des discours déployés auprès des différents publics. C’est notamment le cas du concept de care qui fait son apparition avec le courant des care games en 2018.

En y regardant de plus près, les care games présentent des singularités en affirmant leurs liens étroits avec l’éthique du care et de la sollicitude1, ce que démontre le manifeste de la carewave2, document charnière dans l’histoire du care et des jeux vidéo. Cet article propose de donner des clefs, des limites et des exemples pour tenter de définir cette nouvelle tendance et comprendre quels facteurs socio-idéologiques3 laissent apparaître ces nouvelles formes de créations qui souhaitent refaçonner le médium vidéoludique.

Pour amorcer cette compréhension, il est d’abord nécessaire de puiser dans l’historique du care en prenant comme point de départ l’éthique de la sollicitude. Au cœur des discussions et des tentatives de théorisation, les care games s’affirment, expliquant parfois la difficulté pour les chercheuses et chercheurs à les situer vis-à-vis d’autres courants émergeant dans le paysage vidéoludique. Ce pourquoi la contribution à la tendance care des wholesome games (jeux « bienveillants ») et des slow games (jeux « lents » ou « ralentis ») est par exemple questionnées.

Les valeurs et procédés récurrents déployés dans les care games sont identifiés et interrogées dans l’objectif suivant : comment les analyser dans un jeu vidéo pour identifier une « rhétorique care ». Cet article se cantonne à l’investissement de pistes analytiques mais la méthode pourrait également servir la création et les démarches poïétiques. Pour en comprendre les procédés, deux jeux retiennent particulièrement l’attention : Kind Words4, jeu vidéo indépendant développé par le studio indépendant Popcannibal en 2019, et Celeste5, jeu vidéo indépendant développé par Maddy Thorson et Noel Berry en 2018.

Le cadre méthodologique de cet article s’appuie sur la méthodologie sociocritique d’Edmond Cross6, et les travaux de Julia Kristeva et de Marc Angenot7 : l’observation des valeurs et discours du care nécessite une approche contextuelle. L’objectif est d’étudier la création vidéoludique en écho avec le contexte socio-idéologique de son apparition afin d’interroger les discours véhiculés au-delà du caractère divertissant. Pour nourrir et façonner le concept de « rhétorique du care » l’analyse s’appuie également sur des outils en game design : la rhétorique procédurale de Ian Bogost8, la boussole rhétorique de Claire Siegel9, le Rational Game Design10.

 

1. Quelques clés de compréhension du concept de care

a. L’éthique du care et de la sollicitude

Note introductive sur le care

La quantité de concepts et d’idées qu’englobe le care est dense, la difficulté de sa traduction en français témoigne non seulement d’une grande richesse sémantique mais également d’une compréhension complexe pour le public francophone. La notion est mobilisée depuis plusieurs années dans différents domaines de la recherche scientifique11 et aujourd’hui dans beaucoup de médias culturels, mais sa nature est encore interrogée : selon le contexte auquel il est rattaché ou le champ depuis lequel il est étudié, il peut se retrouver convoqué à la fois dans une attitude morale, une pratique professionnelle, une disposition vis-à-vis d’autrui ou encore un service domestique quotidien12. En plus de sa polysémie, ses fréquentes récupérations (marketing, politique, etc.) et interprétations variées demandent à dissiper régulièrement les zones d’ombres. Il s’agit en somme, de tracer les contours d’un champ de recherche fertile en cours de théorisation. Cet article ne peut couvrir toutes les nuances du concept de care mais se concentre sur des éléments spécifiques tels que : les valeurs qui lui sont fréquemment attribuées ainsi que l’héritage de l’éthique du care et de la sollicitude. Le travail sur le care ici, est traité comme une disposition vis-à vis d’autrui (capacité à se soucier d’autrui).

 

Que sait-on du care ?

Pour Pascale Molinier, Sandra Laugier et Patricia Paperman13, en 2009, ce terme est à la fois un verbe d’action qui signifie « s’occuper de », « faire attention », « prendre soin », « se soucier de » et un substantif qui pourrait selon les contextes être rendu en français par soin, attention, sollicitude, concernement14.

Le care ne possédant pas de traduction française, les autrices/auteurs l’illustrent grâce à l’articulation des formulations anglaises to take care of, care about et care for15. Il est alternativement traduit par d’autres notions analogues (« soin », « attention », « sollicitude16», etc.) qui nécessitent une complémentarité. Le care est une notion polyvalente, sa mention et son usage apparaissent dans des sphères contemporaines communes ou quotidiennes (sphère médicale, médias culturels, publicités, marketing, économie, politique, etc.) Il s’agit de convoquer comme point de départ les sphères psychologique et philosophique et plus particulièrement l’éthique du care et de la sollicitude. Cette éthique est élaborée par la psychologue américaine Carole Gilligan dans les années 70-80 dans son ouvrage : In a Different Voice17 sorti en 1982, Une voix différente : Pour une éthique du care dans sa version française18.

Dans son élaboration de l’éthique du care, Carole Gilligan remet en question un modèle dominant de la psychologie traditionnelle du développement19, la théorie de Lawrence Kohlberg20. Elle propose de nouveaux paradigmes psychologiques et philosophiques21 et une nouvelle approche scientifique qui consiste à renouveler la question éthique du lien social et à considérer différemment la texture morale des relations humaines. Son livre permet alors la naissance d’un nouveau courant de pensée et « s’impose comme une référence incontournable dans le champ social, moral et politique22 ».

 

L’éthique ou les éthiques du care sont également appelées les « politiques du care » en raison des problématiques socio-idéologiques qu’elles pointent du doigt. En effet, traiter le contexte d’émergence de l’éthique de la sollicitude permet d’appréhender les enjeux soulevés par l’arrivée du concept de care d’abord à échelle de la société, ensuite à échelle du jeu vidéo. L’ouvrage de C. Gilligan fait parler de lui au début de l’ère Reagan : il voit le jour dans une Amérique en crise soumise à de fortes tensions géopolitiques et économiques. De plus, le continent baigne dans un contexte de révolte et de libération face aux injustices et inégalités sociales23. L’ouvrage arrive notamment au cœur des différentes vagues de féminismes des années 70, ce qui lui doit son lien historique étroit avec la question du genre.

Dans le cadre de cet article, il s’agit de porter attention aux différents héritages de cette éthique spécifique, en s’appuyant notamment sur les enrichissements qui lui sont apportés par d’autres philosophes telles que Joan Tronto24 qui permet de cristalliser l’idée d’une éthique universelle qui concerne et s’adresse à tout le monde25, et de la détacher progressivement de l’idée selon laquelle elle serait exclusivement destinée aux femmes. (Les questions de l’inclusion et de la diversité.)

 

b. Les valeurs fondamentales

Même si les transformations qu’elle induit ont un impact tardif en France26, l’éthique du care se fait connaître dans l’hexagone dès 198627. Des philosophes et chercheuses françaises comme Sandra Laugier, Patricia Paperman28 et Pascal Molinier29 l’introduise davantage à partir des années 2000. D’autres spécialistes françaises/français, politologues et philosophes telles que A.Zielinski30, A. Le Goff, M. Garrau identifient ses « éléments constitutifs » et en précisent les nuances. Deux valeurs récurrentes, considérées comme fondamentales dans l’éthique de la sollicitude, servent de point d’ancrage et d’outils analytiques : l’interdépendance et l’universalité.

La première valeur, l’interdépendance, concerne l’altérité. La considération d’autrui, et les démarches d’attention dirigées vers la relation à l’autre sont présentées comme centrales. Il s’agit de considérer que tout individu est incapable de vivre dans une totale autonomie, qu’il éprouve tout au long de sa vie, dans ses activités personnelles et professionnelles31 un besoin des autres : il vit au cœur d’un réseau de relations qui lui sont nécessaires et dont il doit se soucier. L’éthique du care valorise l’idée d’un tissage social vitale et considère la « dépendance32 » comme une connexion, en se distinguant des connotations négatives de l’attachement. La reconnaissance du besoin de l’autre est primordiale et par ce biais, celle d’une vulnérabilité33 présente chez chaque être. Sandra Laugier précise que la notion de vulnérabilité ne doit pas être entendue comme la faiblesse spécifique d’une personne ou exclusive à une période de vie (comme la fragilité qui pourrait caractériser un nouveau-né, une personne âgée, handicapée ou malade34) mais qu’elle doit être reconnue comme un invariants anthropologique35.

S’ajoute à cette notion d’interdépendance, la dimension universelle du concept de care qui peut faire référence quant à elle, à la notion de diversité, au caractère d’une éthique qui concerne tout individus sans distinction (de sexe, de genre, de culture, de statut, etc.). Elle peut se retrouver dans les démarches d’inclusion ou d’inclusivité36 et se concrétise plus particulièrement, dans la valorisation des personnes ou groupes de personnes en marge. Le caractère universel de l’éthique du care s’attache à donner une parole et une place à toutes et tous, et en particulier aux personnes les moins visibles, les moins considérées et les moins valorisées que ce soit dans leur condition, leur quotidien, leur travail ou dans leur identité.

 

2. Emergence du care dans la sphère vidéoludique

a. a) Manifeste de la carewave et care games

L’éthique du care fait une entrée progressive dans le médium vidéoludique. De 2010 à 2017, est d’abord observée l’arrivée de jeux vidéo défiant les standards classiques et les modèles dominants de la sphère du divertissement numérique : ils s’éloignent des AAA, jeux vidéo grand public à gros budgets, des licences populaires de jeux de tir, de combat ou de rôle massivement multijoueurs37 (Call of Duty38, World of Warcraft39, Street Fighter40). Pour cette tendance, il s’agit de s’appuyer sur des valeurs différentes pour initier de nouveaux projets dans le champ vidéoludique. Parmi eux, naissent des genres novateurs indépendants accompagnés régulièrement de manifestes tels que les cosy games, les zen games ou encore les gardening games. Beaucoup d’expérimentations voient le jour, notamment grâce au mouvement de l’Artgame41, avec pour dénominateur commun l’émancipation et la transformation du médium. Ces propositions témoignent d’un besoin de compléter ou de dépasser le caractère divertissant du jeu vidéo en concevant des objets ludiques pensés autour des notions de bien-être, de santé et d’éthique. L’objectif est de prendre soin des joueuses/joueurs, des créatrices/créateurs mais vise également un potentiel réflexif par les discours, les thèmes et propos développés.

C’est autour de 2018 que la notion de care commence à être mentionnée dans quelques articles et vidéos42 pour qualifier un type de jeux. La même année, le manifeste de la carewave43 fait officiellement le pont entre les valeurs de l’éthique du care et la sphère vidéoludique. Créé en ligne collectivement44 et directement destiné aux jeux vidéo, sa conception est amorcée par Brie Code, programmeuse et conférencière américaine45, accompagnée de 200 autres personnes. Il est disponible en français et en anglais et se fait le témoin d’une tendance naissante, réfléchie à la lumière des valeurs du care, il s’agit des care games. Empruntant aux codes littéraires et artistiques, le format du manifeste46 dénote une démarche politique dans la mesure où son objectif est d’ancrer les grands principes d’un courant théorique émergeant qui s’affirme au sein du jeu vidéo tout en remettant en question les normes et valeurs de productions industrielles.

Le document présente quatre grandes sections (« Contexte », « Objectifs et principes », « Guide », « Autres ressources ») à travers lesquelles les autrices/auteurs présentent la carewave en exposant les intentions qu’elle destine à la conception. Cependant, le manifeste ne propose pas de définition précise de ce que doit contenir un care game. Il ne mentionne pas de règles de jeu exactes ou de mécaniques, n’expose ni de narration prédéfinie, ni de personnages ou avatars particuliers, il ne suggère pas non plus la normalisation d’éléments esthétiques à introduire pour correspondre aux critères d’un « jeu care ». Ce qu’il indique se présente sous la forme de grands principes à suivre et de valeurs qui peuvent être compris comme des directions ou des dynamiques vers lesquelles il s’agit de tendre pour produire des jeux relevant du care. La section « Guide » est découpée selon les rubriques suivantes et donne un aperçu de leurs objectifs : « a. Prendre soin du contenu / carewave content ; b. Développer avec cœur / developing from heart ; c. Prendre soin de l’audience / caring for our audience, d. Prendre soin du monde / caring for the world47 ».

Carewave est un mouvement d’auteurs, d’audiences et d’œuvres qui prennent la responsabilité du pouvoir et de l’influence qu’ils possèdent en tant que créateurs et diffuseurs de médias. Ils utilisent ce pouvoir pour valoriser de grandes visions où le Care tisse la trame de structures sociales et culturelles. [Ce mouvement] invite les créateurs, les œuvres et les audiences à prendre soin les uns des autres, à prendre soin du monde48.

La prise en considération des discours et contenus, des équipes de création, du public et du monde sont des piliers pour le mouvement carewave49 qui font effectivement écho à l’éthique de la sollicitude. Un certain nombre de principes ludiques sont énumérés dans le document, mentionnant ici tout particulièrement l’importance de la responsabilité qui incombe aux créatrices/créateurs.

En partant de la sociocritique, il est donné de comprendre certaines raisons de l’arrivée de ce mouvement en observant les différentes mentions du contexte et éléments auxquels il souhaite s’opposer (Section « Contexte »).

Le Care est une réponse révolutionnaire à un monde ébranlé par la culture du choc. Nous travaillons aux prototypes et itérations de nouvelles formes narratives de nouveaux systèmes économiques, de structures sociales bienveillantes50

Le mouvement carewave se présente en opposition à une culture contemporaine distillée et standardisées dans les normes51 du jeu vidéo. Les autrices/auteurs dénoncent un malaise social52 teinté par des valeurs qui mettent en exergue l’individualisme, la domination, le choc. Les identifiant dans la sphère vidéoludique, elles/ils les décrivent comme heurtant la connexion aux autres, rentrant ainsi en conflit avec ce que le care propose (interdépendance, solidarité, diversité, etc.). Le concept d’utopie, traité spécifiquement, est notamment mentionné à plusieurs reprises et présentée comme un outil de critique idéologique. Le document fait part des nouveaux modèles et enjeux sociaux que la carewave souhaite réserver au monde du jeu vidéo et son rayonnement.

Déterminé également à développer la question du care et de l’éthique du care dans le ludique, le collectif Mauvaises Herbes53 joue un rôle important dans sa médiatisation depuis 2020 en réalisant des tables rondes, rassemblant des actrices et acteurs du monde du jeu vidéo afin d’interroger ses mécanismes et méthodes d’application dans la pratique indépendante comme industrielle.

 

b. Quels parallèles avec les wholesome games et les slow games ?

Le manifeste présente des pistes pertinentes pour faire un pas vers la définition des care games, cependant il peut sembler délicat d’identifier un jeu à l’aide de tels principes sans que ne soient identifiés des exemples de jeux vidéo pour illustrer le propos. Pour affiner cette définition, il est pertinent de confronter ce « nouveau genre » et ses objectifs, de questionner les différences et points communs qu’il partage avec d’autres mouvements naissants dans la sphère vidéoludique durant la même période.

Dans un premier temps, ce sont les wholesome games (2019) traduit littéralement par « jeux bienveillants » ou « jeux sains » qui posent tout naturellement la question de leur contribution au courant des care games. À l’origine de cette tendance, Matthew Taylor, développeur de jeux indépendants, amorce une démarche de classification des jeux vidéo en fonction du sentiment de confort, de compassion et de convivialité procuré54, qu’il partage au public sur Internet. Aujourd’hui, elles/ils sont cinq55 à encadrer une communauté devenue très active au sein des différents médias et réseaux sociaux tels que X (Twitter), TikTok, Steam56, YouTube. Des redirections vers le visionnage (sous format vidéo) de ces sélections de jeux considérés comme wholesome ou aux atmosphères « feelgood57 » sont proposées sur le site officiel58. Des termes propres aux champs lexical de la détente, la relaxation et du confort sont régulièrement employés dans les synopsis et descriptions des jeux présentés. Sur la page YouTube associée, est indiqué très succinctement : « Des jeux vidéo mignons, amicaux, compatissants et chaleureux pour égayer votre journée59. » Le synopsis du jeu vidéo Island and Trains60donne également une illustration des propositions vidéoludiques qu’il est possible de trouver dans leur sélection.

Islands & Trains is a relaxing sandbox building game. Create cute dioramas by placing terrain, foliage, animals, buildings and more & lay your own railroad on top of your beloved island. No goals, no timer, no stress. Just build, relax, enjoy61.

De ces présentations, ressort la proposition d’une sensation de bien-être immédiat et englobant. A première vue, l’expérience proposée par les wholesome games relève effectivement d’une procédure attentive envers les joueuses/joueurs en leur proposant des ambiances et objectifs confortables. Pour autant, peuvent-ils être considérés comme des care games ? Il semble qu’ils s’en éloignent pour plusieurs raisons qu’il s’agit d’interroger. Une membre de l’association Game’Her62, une association préoccupée par la question de diversité dans le jeu vidéo, partage sa vision de la définition des wholesome games, une vision représentative des retours publics au sujet du genre.

Les « wholesome games » ou « jeux vidéo bienveillants » en français, sont des jeux sans violence exubérante et qui sont, à leur manière, similaires aux jeux contemplatifs. Ces jeux mignons, jouant sur les émotions du joueur, proposent une expérience ludique, saine et bienveillante, ce qui en fait de parfaits refuges pour s’évader du monde réel63.

Des critères esthétiques se retrouvent régulièrement convoqués dans les jeux sélectionnés : entre gammes chromatiques chatoyantes ou pastels, et animaux qualifiés de « mignons », les wholesome games normalisent des codes formels, là où la carewave dépasse les considérations formalistes : est exprimée dans le manifeste une volonté de déployer un « soin » qui encourage la critique idéologique, la réflexion approfondie.

Également, les propositions wholesome sont des invitations à l’immersion dans des univers paisibles, à distance des objectifs stressants, chronométrés mais également, éloignés de la réalité. À la lecture du concept d’« évasion du monde réel » et de « refuges », en partant de la position politique et engagée des autrices/auteurs du manifeste, il paraît nécessaire d’interroger le risque d’une posture de passivité du public et de la forme aseptisée de la formule. Les actrices et acteurs de carewave indiquent qu’elles et ils cherchent à transformer activement le paysage vidéoludique et ce qui l’environne, en questionnant les normes du jeu vidéo. Elles et ils encouragent le public à s’interroger en créant de nouveaux modèles centrés sur les valeurs de l’éthique du care. Qu’en est-il alors du pouvoir d’action et de réflexion des joueuses/joueurs dans les wholesome games ? Sont-elles/ils sollicitées/sollicités64 ?

Les méthodes de communication et logiques médiatiques mobilisées par la tendance wholesome sont également à analyser. Un premier élément interroge : sur le site officiel, une section est réservée à l’exposition des vues et nombres d’abonnements sur leurs différents réseaux sociaux, un procédé qui pourrait s’apparenter à une vitrine de popularité. Il s’agit de mentionner notamment leur participation annuelle à l’E365 qui leur offre une place médiatisée aux côtés des AAA dans la sphère du jeu vidéo. Un autre élément interpelle : la forme des vidéos de présentation de jeux wholesome sélectionnée (« lives », vidéo en direct, ou rediffusées). Rapides et condensés, les extraits sont très courts. Une poignée de secondes est accordée à chacun des jeux, présentés successivement. Les créatrices/créateurs ne sont pas toujours présentes/présents pour parler de leurs créations, on remarque très peu d’échange avec le public. Ne proposant pas de place pour les éventuelles discussions autour des concepts, les lives ressemblent davantage à des catalogues de vente, utilisés comme outils de marketing (pour bénéficier d’une visibilité auprès des publics), qu’à une proposition de traitement de l’éthique du care. Entre quête de popularité et course à la rentabilité, le parti pris économique et les méthodes de communication du mouvement interrogent quant à la priorisation des ambitions éthiques et objectifs créatifs qu’il se donne. La responsabilité des créatrices et créateurs est-elle soulevée ? Qu’en-est-il du traitement de la connexion à l’autre, de l’interdépendance et de l’aspect collectif de la démarche ?

Compte tenu de l’importance qu’accorde la carewave à ce qui environne les productions de jeu vidéo (se soucier de l’audience et des créatrices/créateurs en plus du contenu) les démarches wholesome laissent apparaître des dissonances66 qui entrent en conflit avec les ambitions du manifeste et de l’éthique du care. La question se pose : la scène vidéoludique s’enrichit-elle d’un courant novateur attentif à la question du « prendre soin » qui questionne les environnements ludiques ou bien d’une tendance particulièrement rentable qui exploite un besoin d’évasion du réel ?

C’est ensuite le courant des slow games qui est interrogé. Même si l’application formelle diverge, les slow games semblent davantage partager leurs intentionnalités et ambitions avec celles des care games. Le concept apparaît d’abord en Italie dans le domaine de l’alimentation à l’origine d’un mouvement international à but non-lucratif. Il prône une production et une consommation respectueuses de l’environnement et du corps et s’implante dans une démarche d’opposition et de critique des valeurs consuméristes, de l’accélération des processus de surproduction et de surconsommation. Selon les domaines dans lesquels il est convoqué, le slow s’accompagne également de manifestes67 et prône des ambitions éthiques. Il met à l’honneur une forme de lenteur et de plaisir pour renouer avec la qualité plutôt qu’avec la quantité. Repensé à l'aune du jeu vidéo, il encourage une pratique et une conception plus lente à travers laquelle les joueuses/joueurs, les créatrices/créateurs peuvent prendre leur temps. La tendance, propice à l’expérimentation, peut se traduire par un nombre réduit de mécaniques ou d’objectifs (Dear Esther, Proteus), moins de contraintes de temps et se matérialiser dans des actions moins vives. Le slow peut s’intégrer dans une programmation ralentie (A Slow Year68) et dans un game design axé sur la contemplation réflexive, le calme et favoriser des connexions sociales non conventionnelles.

Le courant des solw games atteste du besoin des créatrices/créateurs de questionner les limites du jeux vidéo, de faire face à un monde en proie à la vitesse et à l’accélération des activités69. Les décrivant nuisibles pour les individus, l’environnement et les valeurs d’interdépendance, il s’agit pour eux de proposer des modes d’action ralentis70, sains, durables et respectueux. Leurs revendications font écho à l’éthique de la sollicitude et à la carewave71.

 

3. Le care dans un jeu vidéo : comment l’identifier ?

a. a) Une boîte à outils pour une rhétorique du care

Suite aux éléments théoriques de définition, de rapprochement ou d’éloignement des différentes tendances gravitant autour du jeu vidéo et du care, il s’agit désormais de tracer les prémisses d’une boîte à outils répondant à cette première question : comment identifier une rhétorique du care dans une création vidéoludique ? Dans cette section il s’agit de réunir plusieurs méthodes et outils à considérer comme complémentaires. Tous ne peuvent être illustrés dans le cadre de cet article, cependant ils restent incontournables pour traiter la question.

D’abord, il s’agit d’étudier la façon dont s’expriment les valeurs fondamentales de l’éthique du care (l’interdépendance et l’universalité) dans le médium. Il est nécessaire d’examiner leurs empreintes dans la création elle-même (carewave content), les discours, les représentations. Elles peuvent être observées dans ces différentes dimensions : structurelle (game design, mécaniques de jeu, objectifs, etc.), esthétique (choix artistiques, avatar, environnement, palettes, etc.), narrative (histoire, dialogues, etc.), etc.

La rhétorique procédurale de Ian Bogost72 et la boussole rhétorique développée par Claire Siegel73 permettent d’appréhender ces différentes dimensions vidéoludiques une à une et d’y étudier la circulation d’un discours. La boussole permet en particulier d’organiser visuellement ce découpage. L’usage du Rational Game Design est également requis afin de segmenter méthodiquement l’analyse du game design.

Les principes et objectifs décrits par le manifeste de la carewave doivent être vérifiés. La création vidéoludique honore-t-elle les critères et « lignes de conduite » énoncées dans ce document faisant office de référent ? Doivent-ils tous y figurer, et sous quelle forme ? Une marge d’interprétation est incontournable aux vues des indications parfois rudimentaires du manifeste. La mise en relation des outils entre eux permet de pallier une partie de cette problématique.

Ensuite, la catégorisation74 mise en place par Florentin Peters dans son travail de recherche75 permet de gagner en précision et d’identifier, à la fois la trajectoire et l’expression des « dynamique care » ou « relation de soin76 » dans le game design. Il s’agit de 3 formes de care : le care giving (le « care donné », autrement dit la dynamique d’une pourvoyeuse/un pourvoyeur de care), le care receiving (le « care reçu » ou la dynamique d’une/un bénéficiaire de care) et le care thématique (représentation d’une « relation de soin » dont la joueuse/le joueur n’est pas actrice/acteur mais dont elle/il se fait la/le témoin dans le cadre d’un jeu vidéo).

Même s’il n’est pas possible d’en assurer une parfaite authenticité, l’inspection des intentions des créatrices/créateurs est notamment pertinente pour l’analyse. Elle permet de vérifier l’écho qui s’établit entre le discours et une création vidéoludique et d’en déceler les possibles dissonances77.

Certains éléments extérieurs au jeu font aussi l’objet de cette inspection selon le manifeste. Il s’agit de porter attention à la connexion entretenue avec le public, (sphères sociales associé à la création, espaces communautaires ; Caring for our audience), à l’environnement de conception (contexte et conditions de travail ; Developing from heart) et enfin à la dimension environnementale (impacts, ressources mobilisées ; Caring for the world).

En effet, l’examen visant une rhétorique du care ne peut se cantonner au game design en faisant l’impasse sur le contexte de création : « Carewave accueille des créateurs qui prennent soin les uns des autres78. » Les autrices/auteurs du document apportent des précisions au sujet de ce « care for79 » énoncé : « Nous prenons soin de nous et des autres et nous respectons les temps de pause dont nous avons besoin ; Nous avons les droits sur notre travail ; Nous chérissons chaque contribution des membres de l’équipe ». Ces dernières indications, dont l’aspect reste vague, peut donner lieu aux interprétations, néanmoins elles dessinent un premier tableau des points importants dont il est nécessaire de se soucier. Face aux récentes polémiques observables dans les studios de jeux vidéo tels qu’Ubisoft ou Activision Blizzard au sujet des conditions de travail des employées/employés, la carewave fait apparaître la nécessité de considérer cette dimension figurant dans l’analyse.

De son côté, l’approche environnementale est retrouvée à la fois du côté de la carewave mais également dans l’éthique du care (« earth care80 »). Elle traite du lien et de l’interdépendance entre humains et non-humains (nature, écosystème), et peut désigner l’impact écologique de la conception, à savoir les ressources mobilisées, la durabilité des matériaux et composants, l’impact des transports, des démarches marketing ou de stockage et de tout ce qui incombe à la production (allant de la fabrication du matériel jusqu’à l’environnement de travail et la pratique).

Ces deux dernières dimensions ne sont pas illustrées dans le cadre de l’article. De même que le souci de la santé physique des joueuses/des joueurs. Toutefois, les questions de la posture physique du public face à l’activité, (le temps de jeu, le confort vis-à-vis de l’écran et des dispositifs permettant l’interaction avec le médium) sont des points qu’il conviendrait de délimiter. La question des procédés d’accessibilité ou de prévention (tels que les Trigger ou Content Warning, la documentation parfois proposée en jeu) et d’autres méthodes de conception à vocation éthique (méthodes d’interview, Sanity Check) sont autant d’éléments à surveiller pour approfondir la recherche.

Le rassemblement de ces outils n’est pas immuable et est voué à être enrichi. La possibilité d’affirmer un jeu vidéo comme un care game « total » est pour l’instant délicate. Ces méthodes permettent dès lors, l’identification d’une rhétorique du care plus ou moins diffuse dans certaine création vidéoludique. Enfin, l’usage de la sociocritique dans la section qui suit permet de répondre à la question : pourquoi cette rhétorique du care est-elle convoquée ?

 

b. Illustration et mise en pratique dans Kind Words et Celeste

Pour illustrer la mise en application de cette boîte à outils, deux jeux sont convoqués dans l’analyse : Kind Words et Celeste. Celle-ci se concentre sur l’examen du game design ainsi que sur les intentions des créatrices/créateurs. Des comparaisons avec certains des codes vidéoludiques standards permettent de mettre en lumière la rhétorique étudiée.

Kind Words, édité le 12 septembre 2019, est développé et produit par Popcannibale, un studio indépendant de Boston qui compte à son actif cinq jeux vidéo co-réalisés par Ziba Scott et Luigi Guatieri. Le concept du jeu n’est pas passé inaperçu puisqu’il est nominé en 2020 pour le prix Games for Impact aux Game Awards81  ainsi que pour l’Indiecade82. Mettant en scène des échanges épistolaires entre joueuses/joueurs, le jeu s’éloigne des mécaniques « physiques83 » classiques telles que « viser, tirer84 » ou « conquérir, combattre » pour mobiliser les verbes d’action : « lire » et « écrire ». Une fois au cœur du jeu, le public est immergé dans une chambre en 3D aux couleurs chaudes dans laquelle se présente un avatar incarné par la joueuse/le joueurs. L’objectif est double : il s’agit d’une part, de prendre connaissance des courriers anonymes envoyés par des joueuses/joueurs en ligne en répondant à leurs requêtes ; et d’autre part, d'écrire à son tour, de partager une pensée, une préoccupation.

Analysé par le prisme de l’éthique du care et de ses valeurs, il est indéniable que Kind Words aborde la question du souci de l’autre, de l’altérité, en mettant en scène des « relations de soin ».

D’abord, c’est la catégorisation de Florentin Peters85 qui permet assez rapidement de poser un premier regard sur le game design du jeu. Dans cette perspective de mécanique épistolaire, le public a la possibilité de se retrouver dans deux postures différentes de façon alternative : lorsqu’il est dans la posture de la personne qui se porte volontaire pour proposer son soutien, il se retrouve dans la dynamique du care giving, il endosse ainsi le rôle de pourvoyeur de care86 ou délivreur d’attention (il choisit de répondre à une requête et de prendre soin de la personne à l’origine de celle-ci). Tandis que dans la posture de sollicitation, il s’agit de la dynamique du care receiving, il endosse ainsi le rôle de bénéficiaire87 : (il reçoit une réponse adressée à sa propre requête et bénéficie de l’attention, du « soin88 »). Ces deux rôles basés sur l’expression de différents besoins s’alimentent selon une forme de réciprocité89 pertinente pour traiter de la question du care et particulièrement de l’interdépendance.

En nous focalisant sur la dimension macroscopique90 du game design, il est possible d’identifier que le concept de l’interdépendance transparait également dans les mécaniques principales du jeu qui reposent sur la mise en relation avec autrui dans un cadre calme et dont la sécurité est assurée. La connexion avec l’altérité ne repose pas sur des dynamiques de confrontation, de domination, ou de violence (dont il est fréquemment question dans un jeu de tir, de combat, etc.) elle se concentre sur un lien d’utilité réciproque et d’une logique d’entraide à travers des mécanismes de communication. (Le public se livre sous couvert de l’anonymat, aussi l’expérience de jeu n’est-elle que peu modérée par les développeurs car son périmètre et ses règles sont remarquablement respectés.)

Il est aisé, ensuite, de remarquer que les compétences demandées au public (skills) relèvent de capacités liées au relationnel. Selon le Rational Game Design, il existe trois catégories de mécaniques : physique, mentale et sociale. Les compétences engagées dans Kind Words se distinguent des compétences classiques : lorsque les jeux de tirs supposent par exemple des mécaniques physiques basées sur des compétences liées aux réflexes, à la précision et à la vivacité, au « timing », la lecture des messages quant à elle demande de l’attention, de l’écoute et de la compassion. La réponse de l’empathie, souvent de la délicatesse et du tact. Puisant dans les domaines liés à l’acuité intellectuelle et au social, il s’agit de demander à la rédactrice/au rédacteur de faire appel à son intelligence émotionnelle91 consistant directement à convoquer sa capacité à se soucier de l’autre.

Concernant les récompenses du jeu, les échanges épistolaires sont anonymes mais la possibilité de remercier la personne est proposée dans les mécaniques par le biais d’un échange de vignettes servant ensuite l’amélioration esthétique de l’environnement du jeu. En dehors des récompenses décoratives il est possible d’interroger un autre type de gratification qui met une fois de plus l’interdépendance au cœur du game design en mobilisant la notion de besoin. Le rôle du care giver (la personne qui propose son attention) suscite un sentiment de satisfaction, d’utilité, et permet de développer son empathie. Le rôle du bénéficiaire ou care receiver (la personne qui reçoit l’attention) permet de profiter de soutien moral, de solutions concrètes et de rompre avec la solitude. Pour ces deux rôles, en nourrissant cet échange social, les joueuses/joueurs ont la possibilité d’accéder à une écoute/une attention bénéfique mais également une valorisation de l’estime personnelle, ces éléments incarnant une forme de « récompense sociale ». Les valeurs de l’éthique du care sont visiblement convoquées.

Il est possible de traduire la question de l’universalité, deuxième valeur centrale de l’éthique du care, par une recherche de diversité dans une création. Cette recherche se concrétise par exemple par la mise en place de procédés favorisant l’inclusion/l’inclusivité et l’accessibilité. En l’occurrence dans Kind Words, la proposition d’avatars peut être interrogée à la lumière de ces concepts. Le jeu propose un personnage anthropomorphe dont le genre ne semble pas lisible de prime abord et à l’apparence imaginaire (couleur de peau violette et oreilles ou cornes animales) qui pourrait indiquer une intention de la part des développeurs de permettre à toute personne de se l’approprier et de faire sa place dans la partie. La valeur de l’universalité peut également se retrouver dans le traitement de la question de l’identité. L’expérience est anonyme : les joueuses/joueurs n’ont pas de « profils », leur avatar n’est ni personnalisable, ni visible publiquement, ne permettant aucune distinction physique entre personnes. Chaque individu ne peut voir que son propre avatar et sa propre chambre qui reste la sphère privée de la joueuse/du joueur. Cette absence de distinction ou de personnalisation permet, à première vue, de contourner les formes d’exclusion ou de favorisation basées sur l’apparence. Seules les initiales des noms et prénoms des joueuses/joueurs subsistent comme marqueurs d’identité. Cette démarche permet également de mettre de côté les possibilités de hiérarchie, de concurrence ou de comparaisons entre individus. Un souci d’équilibre et d’équité entre personnes se traduit dans les intentions du studio Popcannibal, qui propose un espace d’échange d’égal.es à égal.es sans s’encombrer du superficiel, laissant la place à la communication et centrant l’attention du public sur la nature et l’authenticité de cet échange. La connexion à l’autre est soigneusement étudiée et délimitée.

Afin de compléter l’analyse mais également pour comprendre les enjeux et raisons de sa mise en place, il est pertinent de se pencher sur les propos de Ziba Scott au sujet de Kind Words.

Nous pensions que ce serait quelque chose qui, dans une toute petite mesure, rendrait le monde un tout petit peu meilleur. [...]. Quelque chose semblait manquer dans la vie des gens : la capacité d’être honnête à propos de soi, de partager les parties effrayantes de soi, de passer du temps à méditer sur ce qui nous dérange et de faire partie d’une communauté qui fait cela92.

Un souhait de transformation du monde par le biais du jeu est exprimé, il est possible d’identifier une volonté d’améliorer le lien social et la relation à soi dans une perspective de partage et d’échange (personal care, social care) pour pallier certaines difficultés. Ces aspirations et ambitions sont déclenchées par un contexte préoccupant selon le développeur.

« C’est une réponse à la politique de peur et d’exclusion de Trump » « Et il y a beaucoup de xénophobie croissante dans le monde. » Scott décrit un pays politiquement divisé et explique qu’il voulait aider à rassembler les gens grâce au pouvoir des mots. Son jeu « donne aux gens une chance de réfléchir à ce qui les effraie et d’entendre les histoires des autres93 ».

Ziba Scott se positionne face à un contexte américain qu’il constate marqué par la peur et l’exclusion. En pointant du doigt les enjeux socio-politiques et idéologiques de sa démarche de création, il apporte un indicateur contextuel pertinent à prendre en compte vis-à-vis de l’apparition des care games et des jeux manifestant des préoccupations care.

Quant à la forme du « care thématique », troisième élément de la catégorisation (care giving, care receiving, care thématique) elle peut s’observer dans Celeste94, un jeu vidéo narratif de type plates-formes publié en 2018 et créé par Maddy Thorson dans le cadre d’une game jam. Sa réception est très positive : il remporte le prix de l’Indépendant Game Festival95 ainsi que celui du meilleur jeu vidéo indépendant aux Game Awards. Il retrace l’histoire d’une jeune femme, Madeline, qui souhaite gravir le mont Everest. La joueuse/le joueur comprend assez rapidement que l’ascension montagneuse dont il est question à travers le platformer est aussi la métaphore d’un combat et d’une guérison face à la dépression que traverse la jeune femme. Madeline croise le chemin de plusieurs personnages durant son aventure, elle fait notamment la rencontre de Théo, personnage présenté comme préoccupé par son image derrière ses airs d’aventurier confiant. Madeline et Théo se lient d’amitié dans leur ascension, mais ils vont également s’apporter tous deux un soutien réciproque et une aide conséquente au fil du voyage. Madeline, anxieuse, reçoit de la part Théo des outils de gestion émotionnelle qui lui permettent de calmer ses crises. Théo, prisonnier de son image (littéralement, prisonnier des miroirs dans le jeu) se voit délivré par Madeline, qui lui permet de transformer son regard sur lui-même. Selon le « care thématique », le public fait ainsi face à une « relation de soin » mettant en scène la dynamique du care giving et du care receiving, dont il n’est pas seulement acteur puisque cette connexion est intrinsèque à la narration, il s’en fait donc aussi le témoin. Celeste, particulièrement à échelle du game design, présente d’autres pistes fertiles à investir dans le cadre d’une analyse plus poussée comme le traitement constructif des récompenses et des échecs, la mise en place du mode assistance ainsi que la narration focalisée sur le thème de la santé mentale.

Kind Words et Celeste représentent des exemples pertinents pour vérifier la mise en application d’une partie de la boîte à outils présentée. Ces deux jeux permettent de répondre sur plusieurs points à une partie de la définition d’un care game tel que le conçoit le manifeste. Le corpus pourrait se voir complété d’exemples afin de constituer une base de données faisant office de socle à la fois à l’analyse mais aussi à la conception. La dimension microscopique96 du game design pourrait également être investie.

 

Conclusion

Le jeu vidéo est un médium aux multiples facettes. Entre art et divertissement, il peut, à la façon du cinéma ou de la peinture se faire le vecteur de discours et d’idéologies. Il est le reflet de l’esprit du temps97, de la société dans laquelle il baigne et témoigne des besoins éprouvés par les individus qui les créent et les consomment. Il est loin d’être neutre et ignorer son impact sur le monde serait l’amputer de l’un de ses atouts lorsqu’il est utilisé à bon escient. Les care games se concentrent particulièrement sur ces questions. Pour les actrices/acteurs de ce courant, il s’agit de prendre soin du médium parce que cela signifie avant tout prendre soin des joueuses/joueurs, des développeuses/développeurs et du monde en proposant des discours réfléchis. Encadrés par le manifeste de la carewave, les care games s’affirment dans la pratique comme dans la création, en rejetant les idéologies et les comportements qui nuisent aux fondamentaux anthropologiques des individus. Leur objectif : reconstruire un paysage vidéoludique par le prisme des valeurs de l’éthique du care et de la sollicitude. Eloignés des wholesome games et proches des slow games, un ensemble d’outils et de méthodes doivent être mis en dialogue pour délimiter les frontières d’un nouveau genre qui valorise la connexion avec l’altérité. L’analyse de Kind Words et de Celeste permet d’en saisir certaines nuances. Dans une création vidéoludique, le traitement des valeurs d’interdépendance et d’universalité ainsi que les principes de la carewave doivent être vérifiés à échelle formelle et structurelle (dimension artistique et game design). Les outils d’analyse discursifs98 doivent être sollicités, ainsi que la catégorisation en trois temps de Florentin Peters (care giving, care receiving, care thématique). Enfin, au-delà du médium, les processus et l’environnement de création doivent être étudiés attentivement afin d'éliminer les potentielles dissonances. Une fois assemblés, ces procédés permettent d’identifier l’expression d’une rhétorique du care qu’il s’agit de construire et d’affirmer. Quant aux enjeux de l’arrivée de cette rhétorique dans la création, ils peuvent être inspectés dans les intentions des créatrices et créateurs, qui constituent un dernier segment d’analyse déterminant.

Quelques questions peuvent être posées pour ouvrir les perspectives des care games en tant que genre ou courant à part entière : comment les créatrices/créateurs peuvent-elles/ils insuffler une rhétorique du care dans un système qui produit des jeux vidéo grâce aux logiques contemporaines qui nuisent à ses fondations ? Comment peuvent-elles/ils assurer l’authenticité du genre et échapper aux récupérations qui le détournent de ses intentions et motivations premières ? Enfin, puisque les standards du jeu vidéo sont remis en question, comment les développeuses/développeurs se projettent-elles/ils dans la diffusion, la visibilité et la pérennité des care games ?

 


Notes et références

 

Corpus vidéoludique - Non exhaustif

POPCANNIBAL, Kind Words, Popcannibal, 2019.

Thorson Maddy, Berry Noel, Celeste, Maddy Makes Games, 2018.

 

Bibliographie - Non exhaustive

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1 Carol Gilligan, In a Different Voice: Psychological Theory and Women’s Development, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1982.

2 Carewave, Carewave Manifesto, media that cares, 2018, [en ligne] https://carewave.games/manifesto-fr/.

3 Edmond Cross, La Sociocritique, Paris, L’Harmattan, 2003.

4 Popcannibal, Kind Words, Popcannibal, 2019. Jeu vidéo mettant en scène des échanges épistolaires entre joueuses et joueurs.

5 Thorson Maddy, Berry Noel, Celeste, Maddy Makes Games, 2018. Jeu vidéo mettant en scène l’ascension du personnage de Madeline à travers un plate-formeur narratif

6 Edmond Cross, La Sociocritique, op. cit.

7 Marc Angenot, Un état du discours social, Longueuil, Le Préambule, 1989 ; Kristeva Julia, SémeiotikèRecherches pour une sémanalyse, « Le mot, le dialogue et le roman », Paris, Points, 1969.

8 Ian Bogost, Persuasive Games: The Expressive Power of Videogames, Cambridge, MIT Press, 2007.

9 Claire Siegel, « Les origines socio-idéologiques de l’Artgame, enjeux de la gamification dans la création vidéoludique », in Patricia Signorile (dir.), Les Cahiers des rencontres Droit et Arts, La création numérique ludique : une œuvre comme les autres ?, Aix-en-Provence, PUAM, 2020, p. 31-48.

10 Outil de conception utilisé dans l’industrie vidéoludique (le studio Ubisoft par exemple) permettant de rationaliser la création d’un jeu vidéo.

11 « Cure », Donald Winnicott, 1970.

12 Vanessa Nurock, Carol Gilligan et l’éthique du care, Paris, PUF, « Débat Philosophiques », 2010, p. 57.

13 Pascale Molinier, Sandra Laugier, Politiques du care, in Multitudes, 2009, p. 37-38.

14 Elisabeth Noël-Hureaux, « Le care : un concept professionnel aux limites humaines ? », Recherche en soins infirmiers, n°122, 2015, p. 7-17, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2015-3-page-7.htm.

15 « S’occuper de » ; « se soucier de » ; « être attentif à » ; « porter de l’affection à ». Voir : Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 9.

16 Selon Larousse, une première approche de la sollicitude : soins attentifs, affectueux à l’égard de quelqu’un. Synonyme : attention, diligence, prévenance, vigilance.

17 In a Different Voice: Psychological Theory and Women’s Development dans sa version originale.

18 Traduction de Annick Kwiatek revue par Vanessa Nurock, Paris, Champs Essais, Flammarion, 2008.

19 Elle consiste à identifier les différents stades de développement moral chez l’individu. Kohlberg s’appuie sur Jean Piaget et le principe de développement cognitif par paliers d'acquisition qu’il commence à théoriser dans les années 1930. Kolberg le consolide ensuite grâce à ses travaux. Ce dernier formalise par exemple le « dilemme de Heinz » pour réaliser ses expériences. Il développe ce modèle à partir de sa thèse The Development of Modes of Moral Thinking and Choice in the Years 10 to 16, 1958.

20 Psychologue du développement cognitif travaillant dans la tradition de Piaget. Gilligan souhaite compléter et nuancer les résultats des expériences liées à cette théorie puisqu’ils consistent à affirmer que les femmes et des filles possèdent des capacités morales moins développées et inférieur à celles des hommes et des garçons. Elle estime qu’ils ne permettent pas de prendre en considération certaines réponses données par les sujets. Elle s’inscrit en rupture mais aussi dans la continuité de ces théories. Voir : Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 43-44 ; p. 46-47.

21 Remettant en question le monopole de la justice dans la psychologie de la morale, son approche permet de prendre en considération des données et des points de vue supplémentaires. Voir : Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 59-60. 

22 Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 9.

23 Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 11, 23, 26.

24 Joan Tronto, Moral Boundaries: A Political Argument for an Ethic of Care, New York, Londres, Routledge, 1993.

25 « Le care et le caring ne sont pas des questions de femmes ; ce sont des préoccupations humaines ». Voir : Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 26.

26 Vanessa Nurock, Carole Gilligan, op. cit., p. 9-10.

27 Voir la première traduction de l’ouvrage de C.Gilligan par Annick Kwiatek, Une si grande différence.

28 Sandra Laugier, Patricia Paperman, Le Souci des autres. Ethique et politique du care, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2006.

29 Pascal Molinier, Le Care à l’épreuve du travail. Vulnérabilités croisées et savoir-faire discrets, in Sandra Laugier et Patricia Paperman (édi.), Le Souci des autres. Ethique et politique du care, Paris, EHESS, « Raisons pratiques » 2006.

30 Agatha Zielinski, L’Éthique du care : une nouvelle façon de prendre soin, « Études », tome 413, 2010, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-12-page-631.htm.

31 Grégoire Meurin, Dominique Youf, « L’éthique du care, une éthique de l’interdépendance », Les Cahiers Dynamiques, n°44, 2009, p. 22-26, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2009-2-page-22.htm.

32 Marie Garrau, Alice Le Goff, « Le potentiel moral des relations de dépendance : les apports de l’éthique du care », Care, justice et dépendance, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, https://www.cairn.info/care-justice-et-dependance--9782130576211-page-39.htm.

33 Patricia Paperman, « Éthique du care : un changement de regard sur la vulnérabilité », Gérontologie et société, vol. 33, n°133, 2010, p. 51-61, [en ligne] https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2010-2-page-51.htm.

34 Sandra Laugier, « Soin & Compassion - Le care comme concept transformateur de l’éthique » [vidéo YouTube], publiée le 23 janvier 2017, [en ligne] https://youtu.be/fedg4bCZWmI.

35 Florentin Peters, Expression de l’éthique du care, op. cit., p. 19.

36 L’inclusivité est un terme progressivement amené dans la sphère sociale comme nouvelle tendance.

37 Massively Multiplayer Online Role Playing Games.

38 Série de jeux vidéo first person shooter de guerre. Call of Duty, 2003-2022, Infinity Ward, Activision..

39 Jeux de rôle médiéval-fantastique. World of Warcraft, 1994-2004, Blizzard Entertainment.

40 Série de jeux vidéo de combat en un contre un. Street Fighter, 1987-2022, Capcom.

41 Genre théorisé par Tiffany Holmes.

42 Game Spectrum, Comment les jeux peuvent nous aider ? [vidéo YouTube], publiée le 7 mai 2018, [en ligne] https://www.youtube.com/watch?v=9jiNWK9dUy8 ; « La Revue des Jeux Vidéo : Celeste, Florence et les Care Games », Un bot pourrait faire ça [vidéo YouTube] publiée le 24 avril 2018, [en ligne] https://youtu.be/4MQq2IN4rjQ.

43 Carewave, Carewave Manifesto, op. cit.

44 Environ 200 personnes organisées en groupe et par thématiques pour s’occuper de la rédaction.

45 Également, directrice générale du collectif Tru Love. Voir [en ligne] : https://www.briecode.com/.

46 Il pourrait être rapproché du Manifeste du surréalisme d’André Breton (1924) dans lequel il fait figurer des grands principes d’écriture et les pratiques du mouvement, ou du Manifeste de la Molleindustria (2003), voir [en ligne] : https://www.molleindustria.org/blog/molleindustria-manifesto-2003/.

47 Version originale.

48 Carewave, Carewave Manifesto, op. cit.

49 « Elle » désigne Carewave, à plusieurs reprises personnifiée dans le manifeste.

50 Carewave, Carewave Manifesto, op. cit.

51 Thématiques militaires gravitant autour de la guerre, du combat systématique, des mécaniques de tir par exemple.

52 Une société en crise et en déclin, investie par une idéologie capitaliste. Voir : Zygmunt Bauman, La Vie liquide, Chambon, Le Rouergue, 2005 ; Hartmut Rosa, Accélération : Une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010 ; Karl Marx, Le Capital, Critique de l’économie politique [Das Kapital, Kritik der politischen Ökonomie, 1867], Paris, Gallimard, 2008.

54 Voir [en ligne] : https://wholesomegames.com/#faq.

55 Comptant plus de 112 000 membres sur Twitter. Voir [en ligne] : https://wholesomegames.com/#aboutus.

56 Plateforme en ligne de distribution commerciale de jeux vidéo.

57 Procurant un sentiment de bien-être.

58 Voir [en ligne] : https://wholesomegames.com/#.

59 “Brightening your day with cute, friendly, compassionate, cozy video games.” [Ma traduction]. Voir [en ligne] : https://www.youtube.com/@WholesomeGames.

60 Trailer de jeu vidéo proposé dans la sélection de jeux wholesome de 2022.

61 Akos Makovics, Islands and Trains, Steam. [Ma traduction] « Islands & Trains est un jeu de construction en bac à sable relaxant. Créez de jolis dioramas en plaçant des terrains, du feuillage, des animaux, des bâtiments et bien d’autres choses encore, et posez votre propre chemin de fer sur votre île bien-aimée. Pas d’objectifs, pas de chronomètre, pas de stress. Construisez, détendez-vous et appréciez. » [en ligne] https://store.steampowered.com/app/1957760/Islands__Trains/.

62 Game'Her est une association ayant pour but de promouvoir la mixité, la diversité et l’inclusion dans les domaines du jeu vidéo, de l’audiovisuel et de l’e-sport.

63 Game’Her, Les Wholesome Games, publié le 7 juin 2020, [en ligne] https://gameher.fr/blog/les-wholesome-games.

64 La question est approfondie dans les travaux de Claire Siegel qui propose une analyse de la proposition de Jane McGonigal. Voir : Claire Siegel, La Gamification, promesse de réenchantement du monde ?, colloque Homo Ludens du 21e siècle, RiRRa21 et LIRMM, Montpellier, nov. 2015,  [en ligne] 10.21409/HAL-01649220. hal01815477. Ainsi que : Jane McGonigal, Reality Is Broken: Why Games Make Us Better and How They Can Change the World, New-York, Pinguin Books, 2011.

65 Electronic Entertainment Expo, l’E3 est l’un des plus grands salons internationaux du jeu vidéo et des loisirs interactifs, 1995-2022.

66 Il s’agit ici d’une dissonance entre valeurs annoncées et rhétorique (mise en application dans les discours du jeu et dans les processus de diffusion et de création).

67 À l’instar du Slow Web Manifesto [en ligne] https://www.ifeelgood.it/blog/slow-web-manifesto/

68 A Slow Year Ian Bogost, 2010, jeu conçu comme un recueil de poèmes sur les 4 saisons exploitant le thème de la lenteur.

69 Rosa Hartmut, Accélération : une critique sociale du temps, Paris, La Découverte, 2010.

70 Carl Honoré, Éloge de la lenteur : et si vous ralentissiez ?, Paris, Marabout, 2013.

71 Pour aller plus loin, voir les concepts suivants : personal care, social care, earth care. Proposition de découpage des « composantes » du care par le groupement d’Intérêt Scientifique sur les « Théories et Pratiques du Care”, dont les premiers travaux se sont développés à Montpellier en 2018, [en ligne] : https://tepcare.hypotheses.org/pour-une-ethique-du-care

72 Ian Bogost, Persuasive Games: The Expressive Power of Videogames, Cambridge, MIT Press, 2007.

73 Outils de conception développés par Claire Siegel, permettant d’injecter du sens et de maîtriser les discours déployés dans une création vidéoludique.

74 Catégorisation inspirée par Joan Tronto et Agatha Zielinski. Considérant le care comme une activité ou une pratique, elles le présentent selon 4 phrases correspondant à des qualités morales précises : caring about, taking care of, care giving, care receiveing. Voir : Agatha Zielinski, L’Éthique du care, op. cit., p. 5.

75 Florentin Peters, « Expressions de l’éthique du care dans le design de jeux vidéo : récits, performances et éléments de réception : analyses de trois jeux vidéo indépendants canadiens par le prisme du care », Mémoire de maîtrise en sciences de l’information et de la communication, Université de Lorraine, soumis le 23 novembre 2020, [en ligne] https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03019492/document, p. 24.

76 Relation entre différentes actrices/différents acteurs dans laquelle est impliquée une démarche de care. Voir : Agatha Zielinski, L’Éthique du care, op. cit., p. 9.

77 À l’instar d’une dissonance ludonarrative par exemple. Voir : Thierry L’Hôte, « The Last of Us part II : entre non-jeu et dissonance ludonarrative », À l’épreuve, RiRRa21, 2022, [en ligne] https://alepreuve.org/content/last-us-part-ii-entre-non-jeu-et-dissonance-ludonarrative.

78  Carewave, Carewave manifesto, op. cit.

79 « Prendre soin de … »

80 Pour aller plus loin, voir les concepts suivants : personal care, social care, earth care. Proposition de découpage des « composantes » du care par le groupement d’Intérêt Scientifique sur les “Théories et Pratiques du Care », dont les premiers travaux se sont développés à Montpellier en 2018, [en ligne] https://tepcare.hypotheses.org/pour-une-ethique-du-care.

81 Cérémonie de récompenses internationale qui distingue une sélection de jeux vidéo et de personnalités de l'industrie vidéoludique.

82 Festival international annuel consacré aux jeux vidéo indépendants.

83 Voir le Rational Game Design.

84 Exemple de mécaniques récurrentes proposées par les jeux de tir à la première personne.

85 Florentin Peters, Expression de l’éthique du care, op.cit., p. 13.

86 Terme utilisé par Florentin Peters.

87 Le care « donné » ou « transmis », ibid., p. 13.

88 Le care « reçu » ou « réceptionné », ibid., p. 13.

89 La réciprocité dans la relation de soin est valorisée. Agata Zielinski, « L’éthique du care : Une nouvelle façon de prendre soin », Études, tome 413, p. 631-641, [en ligne] : https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-12-page-631.htm, p. 25.

90 Objectifs, challenges, récompenses, mécaniques, compétences, paramètres atomiques, matrices.

91 Daniel Goleman, Working with Emotional Intelligence, New York, Bantam Books, 1998.

92 [Ma traduction] “We thought that this would be something that in a small, small way would make the world a tiny bit better” ; “Something seemed to be missing from people’s lives: the ability to be honest about yourself, share the scary parts of yourself, spend time meditating on what’s bothering you and be part of a community that does that.” [en ligne] https://www.washingtonpost.com/video-games/2020/01/23/trumps-rhetoric-agitated-two-game-designers-they-responded-with-kind-words/.

93 [Ma traduction] “‘It is a response to Trump’s politics of fear and exclusion’, Scott said. ‘And there’s a lot of rising xenophobia around the world.’ Scott said he noticed a politically divided country and wanted to help bring people back together through the power of words. His game ‘gives people a chance to think about what is scaring them, and to hear other people’s stories.’ ” [en ligne] https://www.washingtonpost.com/video-games/2020/01/23/trumps-rhetoric-agitated-two-game-designers-they-responded-with-kind-words/.

94 Maddy Thorson, Celeste, Matt Makes Games, 2018.

95 Concours de développement de jeux vidéo indépendants originaux dont les récompenses sont distribuées lors de la Game Developers Conference, une des plus grandes conférences rassemblant les professionnelles et professionnels de l’industrie du jeu vidéo, connue également sous l’appellation GDC. Elle a lieu chaque année à San Fransico depuis 1987 et rediffusée en ligne.

96 Paramètres atomiques, matrices de variation (Voir le Rational Game Design).

97 Edgar Morin, L’Esprit du temps, Paris, Grasset, 1962.  

98 La boussole rhétorique, la rhétorique procédurale.

 


À propos de l’autrice

Naëlane Lefebvre Thillier est doctorante en première année en Arts Plastiques, spécialité Jeux Vidéo, sous la direction de Eric Villagordo et la co-direction de Claire Siegel au sein du RiRRa21 à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3. Son mémoire de Master en recherche-création portait sur le concept du care et les enjeux socio-idéologiques de son apparition dans les jeux vidéo contemporains. Elle est actuellement enseignante vacataire auprès des Licence 1 d’Arts Plastiques à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 en « Techniques numériques fondamentales » où elle s’attache à initier les étudiantes et étudiants au développement de jeux vidéo artistiques et réfléchis par le prisme du care.

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